L’un parle à nouveau avec sa tante, l’autre peste contre ses conditions…
Destins croisés, hier aprèsmidi, devant l’Ehpad Korian La Riviera, à Mougins. Malgré son masque de protection, « pour ne pas risquer de contaminer quelqu’un », Olivier Solut semble sourire à l’idée de rendre enfin visite à sa tante, pensionnaire de 91 ans, qui a subi deux mois et demi de confinement. «Onavécuaveclapeurdu coup de téléphone qui annonce une mauvaise nouvelle, d’autant qu’elle a été testée positive. Mais je l’ai vue sur Facetime, elle était en forme, souriante. Elle nous a même réclamé une petite bière, alors c’est que ça va ! ».
Stéphanie Maccarini, elle, manifeste à visage découvert, parce que « je n’ai pas peur de m’afficher pour revendiquer ! », clame cette syndicaliste CGT. D’habitude, elle met aussi le masque, et pour cause. Aide-soignante à l’Ehpad les Jonquières du Cannet, elle fait partie de ces « héros en première ligne » contre le coronavirus. Avec un salaire mensuel de 1 800 euros net, « après vingt ans de boîte… ».
Dans son établissement Korian, on a également dénombré quatre décès et 28 résidents positifs sur soixante. « Dès le premier cas, on a tous été testés parce que La Riviera de Mougins avait fait école, malheureusement. Il y avait déjà des cas positifs parmi le personnel, regrette la jeune femme. Ce qu’on n’a pas compris, c’est qu’il y avait confinement mais on n’a pas eu de masques avant le 23 mars, alors que nos délégués en réclamaient. On isolait nos résidents, privés de visites, mais on laissait des intervenants extérieurs entrer en contact avec eux. » La peur au ventre, alors que son métier l’a confronté directement à la pandémie ? « C’était stressant mais comme on est formé à bosser dans n’importe quelles conditions, c’est moins de la peur que de la colère et de l’incompréhension face à nos manques de protection. Et puis on avait l’impression de ne pas exister, parce que partout, on ne parlait que des hôpitaux. »
Et les applaudissements de 20 heures, alors adressés à tous les soignants en signe de remerciements ?
« Pfff… Ça fait des années qu’on descend dans la rue pour dénoncer nos manques de moyens, matériels et humains, et on parle seulement de nous en cas de crise sanitaire, Covid-19 ou canicule. Alors nous applaudir, c’est bien, mais on aimerait que les gens soient aussi dans la rue avec nous. Et puis dès le déconfinement du 11 mai, leurs applaudissements se sont tus… »