Nice-Matin (Cannes)

« J’ai peur que tout cela ne perde de son charme »

Mamo, patron du restaurant Michelange­lo, se prépare à une éventuelle réouvertur­e en juin. Et ce, même s’il ne connaît pas encore à quels protocoles les profession­nels devront se soumettre

- PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

Àcette époque de l’année, Mamo est généraleme­nt occupé à accueillir dans son restaurant, le Michelange­lo, les célébrités du Festival de Cannes qui s’octroient une escapade dans la cité des Remparts. Mais la pandémie est depuis passée par là. Le Festival n’a pas déroulé son tapis rouge et les stars Hollywoodi­ennes sont restées confinées outre-atlantique. Alors en attendant de savoir dans quelles conditions et quand il pourra rouvrir son établissem­ent, le restaurate­ur tente d’anticiper et se prépare comme il peut.

Serez-vous prêt le jour J ?

On commence à nettoyer et à mettre en place, dans la configurat­ion d’une ouverture dans de bonnes conditions. L’idée, c’est que si nous avons une bonne nouvelle, nous devons être prêts à rouvrir. Mais il faut que le protocole que l’on nous propose soit correct. Il ne faut pas non plus que l’on perde de l’argent. Il ne faut pas que ce soit trop strict. J’ai un avantage, ma cuisine est ouverte. Donc les gens vont nous voir travailler avec les masques, etc. Mais je suis incapable de dire comment tout ça va se passer.

Comment se préparer sans visibilité ?

On commence à dresser la terrasse. J’ai l’impression que ce sera en terrasse que ce sera le plus simple. Mais oui, tout ça est très délicat. On va espacer les tables de minimum un mètre, voir un petit peu plus. Il paraît que l’on pourra servir des tables de huit convives. Si tout se passe bien, les gens vont vite revenir.

Et à l’intérieur ?

C’est plus compliqué. Ce qui est certain, c’est que l’on n’aura pas le droit de faire le bar. Mais nous allons évidemment devoir réaménager le restaurant. On va enlever quelques tables pour gagner de l’espace. On va suivre les protocoles que l’on nous imposera. Et en fonction de ce que l’on nous impose, le plus dur sera de voir si la clientèle revient. Est-ce qu’ils vont avoir peur de venir ? Beaucoup de personnes m’appellent pour connaître la date de réouvertur­e mais aujourd’hui, on ne peut prendre aucune réservatio­n. On est vraiment dans le flou…

Vous semblez un peu démoralisé…

Des restaurant­s pourront plus facilement que d’autres s’adapter à ces mesures que l’on ne connaît pas encore aujourd’hui. Notre restaurant est festif. Je n’imagine pas mes clients arriver le soir, bien habillé, prendre le sel dans de petits sachets et manger sur un set de table avec une serviette en papier. Ça me semble compliqué…

Parce que tout cela va à l’encontre de l’esprit familial que vous aimez tant ?

Manger au restaurant, et notamment ici, c’est vivre un moment de partage. On essaie de faire de belles choses. Mais il ne s’agit pas uniquement des mets. C’est un tout. Il y a de la musique, il y a de belles filles et de beaux garçons, il y a le bar central qui est magnifique… donc ça ne sera pas facile. J’ai peur que tout cela ne perde beaucoup de son charme.

Et pourtant, vous gardez de l’espoir pour une réouvertur­e sans “trop” de contrainte­s ?

Je suis associé avec la plage Keller. Je pense que j’ouvrirai en même temps qu’eux. On va essayer de s’organiser ensemble pour que ça fonctionne. Mais aujourd’hui, je suis dans le brouillard. Je comprends tous les petits restaurant­s qui ont envie d’ouvrir. Mais je pense à tous ceux qui n’ont pas ou peu de terrasses.

Ouvrir votre cuisine était quelque chose de novateur à l’époque. Va-t-il falloir à nouveau vous réinventer ?

On fait une cuisine familiale chic, avec de belles assiettes, dans un bel établissem­ent. On fait de belles choses. Mais on fait une cuisine italo-provençale, donc une cuisine de partage. C’est ce que je veux développer davantage encore, même si on le faisait déjà.

À terme, vous pensez que ce sera encore envisageab­le ?

Bien sûr. Au contraire. L’idée, c’est de faire une table de partage. Rien ne pourra stopper ça. Les gens vont vite y revenir. On y revient déjà. Ce sont des valeurs auxquelles les gens sont attachés je pense. Avec la catastroph­e que l’on a vécue, les gens voudront retrouver ces moments privilégié­s.

Cette crise, comment l’avez-vous vécue ?

On a tout sécurisé. On avait la possibilit­é de patienter. L’État, parce qu’il faut le dire, nous a très bien aidés. Et à Antibes, le maire Jean Leonetti va faire beaucoup pour nous accompagne­r pour que la réouvertur­e se déroule le plus efficaceme­nt possible. Il va nous soutenir pour une réouvertur­e paisible.

Et vos autres restaurant­s, en France et dans le monde ?

À Ryad, en Arabie Saoudite, on a fait le plus beau restaurant de la ville. C’est exceptionn­el. Mais on n’a ouvert quatre jours avant le confinemen­t… On a donc dû fermer. On attend pour reprendre autour du mois de septembre, pas avant je pense. À Paris, comme ici, on attend d’en savoir plus. Et à New York, c’est aussi fermé. Ils évoquent le  mai [aujourd’hui, ndlr] mais on n’en sait pas plus. La problémati­que est la même de partout.

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(Photo Clément Tiberghien) Mamo est dans les starting-blocks... même s’il n’a aucune visibilité.

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