On révise ses classiques
L’esprit latino à quelque chose de fascinant. Sur le continent sud-américain, fusionnent sans encombre les modes de pensées incompatibles. La magie se mêle à la logique. Le rationalisme et le fantastique flirtent dans une harmonie déconcertante. Quant à la chimère et au réel, ils sont quasiment mari et femme. S’il ne fallait qu’un livre pour appréhender cet état d’esprit sans voyager, ce serait Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez. Édité en 1967, ce roman-fleuve (460 pages) raconte l’épopée de la famille Buendia sur six générations, dans le village imaginaire de Macondo, en Colombie, qui s’agrandit et attire de nouveaux arrivants.
Que tous ceux qui aiment les histoires bien cadrées, avec un nombre serré de personnages passent leur chemin. Les autres, accrochez-vous un peu à cet arbre généalogique tortueux où tout se mêle, se coupe, se défait. On est parfois noyé devant le passage du temps et cette narration qui ne laisse aucun répit. On goûte aux splendeurs de Macondo dans son âge d’or, aux misères de la guerre, au parfum scandaleux de l’inceste, aux charmes de femmes et à la folie des hommes. On croise en route les petits poissons en or du Colonel, les Libéraux, un galion espagnol échoué et même une queue de cochon ! Vous avez dit décadent ?
Les mots de Márquez rappellent encore que nous sommes en terre de conteur, chez le géant colombien de la littérature, Nobel au demi-siècle marqué de quelques pierres magiques comme L’Amour au temps du choléra. La brièveté, dans laquelle il excelle, vaut tous les flots romanesques. Et on s’y laisse emporter...
En attendant de pouvoir à nouveau admirer Fabrice Luchini sur les planches, là où il est sans nul doute le plus merveilleux, on le retrouve sur M6 ce soir, à 21 h 05, entouré des Femmes du 6e étage. Elles ? Ce sont des employées de maison espagnoles du 16e arrondissement. Elles résident tout en haut d’un immeuble conçu comme un millefeuille de bonne pâtisserie. Au rez-de-chaussée, la loge de la concierge. Plus haut, les familles bourgeoises, pas peu fières de prendre un peu de hauteur. Et sous les toits, se nichent les chambres de bonne, avec toilettes collectives sur le palier.
Monde d’inconfort matériel mais d’une richesse conviviale incommensurable. Monsieur Joubert, agent de change rigoureux et petit bourgeois cul serré, (Fabrice Luchini, donc), va découvrir cet univers chamarré.
La « jota », Dalida et la sangria
Lui qui n’a d’autre passion dans sa vie que la cuisson à la seconde près de l’oeuf coque qu’il prend au petit-déjeuner. Lui qui n’a d’autre horizon que la provinciale collet monté qu’il a épousée, (Sandrine Kiberlain qui habite le rôle dans les grandes largeurs), obsédée par ses bridges et ses rendezvous chez le coiffeur. Lorsqu’il se hasarde à monter au sixième étage, Monsieur Joubert s’émeut de la rusticité des locaux des femmes de chambre, règle leurs problèmes domestiques et devient la coqueluche de la diplomate Concepcion (Carmen Maura, tellement touchante actrice fétiche de Pedro Almodóvar), Teresa, Carmen, la rescapée de la guerre d’Espagne, la très belle Maria, Dolores et Pilar...
Il y a le folklore, l’exubérance, la sangria, la « jota » (ce son guttural propre à l’espagnol qui demande un peu de boulot pour les Français souhaitant le reproduire), le flamenco, le ménage en chantant Dalida (Itsi bitsi petit bikini)... Autant de petits riens qui font tout le charme de cette comédie de Philippe Le Guay (Le Coût de la vie, Alceste à bicyclette, Normandie nue). ce soir à 21 h 05, sur M6.