Nice-Matin (Cannes)

« Oui. La vie est un roman »

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apparition, j’étais moi-même curieux, en attente… Finalement, je l’ai trouvé tellement intéressan­te qu’elle a généré la troisième partie du roman.

Certains des personnage­s que vous avez créés au fil des ans, sont-ils toujours présents dans votre esprit ?

Il y en avait une, Madeline Green, un personnage de flic dans L’Appel de l’ange (), qui me hantait tellement que plusieurs années après, j’ai repris son personnage dans Un appartemen­t à Paris (). Souvent, je me demandais : “Mais que devient Madeline ?” Un matin, je me suis mis devant mon écran, j’ai essayé de répondre à cette question, et j’ai écrit quasiment en un souffle, un chapitre de dix pages, qui se terminait par une tentative de suicide. Madeline allait très mal… Ce chapitre a été l’un des déclencheu­rs de l’écriture d’Un appartemen­t à Paris. Pour certains personnage­s, je sais très bien où ils sont et ce qu’ils sont devenus. Et d’autres, pour lesquels je continue à me poser des questions. Parfois, je n’ai pas envie de savoir, et parfois, si.

Pour lequel ?

Pendant longtemps, j’ai travaillé sur une suite de La Jeune Fille et la Nuit (), livre qui se déroule à Antibes. J’ai très envie de retourner sur ce campus à Sophia, mais pour y raconter une autre histoire. Celle que j’ai racontée mettait en scène des adolescent­s au début des années . J’aimerais bien écrire une histoire avec des élèves au sein du campus, mais en . J’ai travaillé pendant six mois sur ce livre, j’ai le plan. Ne reste plus qu’à attendre l’étincelle qui pourrait me lancer : revenir à Antibes pour être sur les lieux. (lire ci-dessous)

Comme Romain, vous vous êtes déjà pris pour Dieu derrière votre clavier ?

Oui, parce que dans les moteurs de l’écriture, il y a un désir de contrôle. Ça vous fait gagner des degrés de liberté. Vous en gagnez aussi en lisant. Les deux sont liés, de par cette faculté de rentrer dans l’intimité de personnage­s, leur cerveau. Ça élargit l’éventail des possibles. Quand vous écrivez c’est puissance , parce que les personnage­s, vous les créez, vous choisissez la situation dans laquelle vous les plongez. Je prends toujours des personnage­s qui sont au bord de la rupture, car le danger révèle ce qu’ils ont dans le ventre.

Et vous les sauvez…

Je ne les ai pas tous sauvés. Dans

Je reviens te chercher, le héros meurt à la fin. Je n’ai jamais autant reçu de courriers de protestati­ons de lecteurs qui me disaient que je n’avais pas “le droit de faire mourir Ethan”. Parfois, on a envie de les sauver, mais on ne le fait pas… Et on a le dernier mot, en tant qu’auteur. C’est tout le thème du nouveau roman : un auteur et son personnage qui se disputent le pouvoir de décision sur l’histoire.

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L’essence de l’être humain est d’être complexe. Nous sommes des êtres gris”

Alors, la vie est un roman ?

Oui. La vie est un roman parce que la vie peut être romanesque. Parfois, le réel est beaucoup plus imaginatif que la fiction. On l’a vu, là, avec le confinemen­t. Et de manière plus poussée, Kundera disait : “L’esprit du roman c’est l’esprit de la complexité”, hors la vie et l’être humain sont fondamenta­lement complexes. Le problème aujourd’hui, dans l’espace public, sur les réseaux, c’est que nous sommes dans une réflexion binaire et simplifiée à l’extrême, c’est soit blanc soit noir… Mais l’essence de l’être humain est d’être complexe. Nous sommes des êtres gris, traversés de désirs contraires, avec une vie mentale parfois chaotique. Et tout cela doit être gommé dans l’espace public actuel, avec, en plus, une exigence de transparen­ce, alors que c’est le mystère qui suscite le désir. Le roman est un vecteur de complexité qui permet de faire écho à notre complexité intérieure. Ce que j’aime par-dessus tout, ce sont les romans qui sont suffisamme­nt fluides pour exprimer en des termes simples toute cette complexité d’êtres humains que l’on porte tous en nous.

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