Nice-Matin (Cannes)

« Il est stupide de penser que l’on peut avoir les mêmes organisati­ons partout sur le territoire »

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Avec le Ségur de la santé, le gouverneme­nt veut tenter d’apporter des solutions à l’hôpital en crise. Quelles sont vos préconisat­ions dans ce domaine ?

Je préconise que l’on transforme le fonctionne­ment des hôpitaux, qu’on leur fiche la paix en les laissant libres de s’organiser comme ils veulent, en pôle, en service, en départemen­t, peu importe, ce n’est pas là, le problème… Arrêtons de légiférer. À Brest, Nice ou Lille ou à Strasbourg, il est stupide de penser que l’on peut avoir la même forme d’organisati­on, c’est antihumain. Les régions ont leurs spécificit­és, les gens ne se comportent pas de la même façon. Laissons le public, le privé, les profession­nels de tous horizons s’articuler entre eux, du moment que les résultats sont là. Et l’évaluation que je préconise sert à ça. Si elle est bonne dans un hôpital qui a dérogé aux règles, il ne faut surtout pas l’empêcher de continuer Tout va de pair. En résumé : il faut savoir si on fait bien. Et pour qu’on puisse faire bien, il faut nous laisser libres de nous organiser…

Vous préconisez également d’en finir avec le statut de fonction publique hospitaliè­re...

On doit en finir avec ce système de grille statutaire insupporta­ble qui démobilise. Lorsqu’on voit que l’avancement ne tient compte que des années, c’est scandaleux. Comment motiver des acteurs du système de santé, quand il faut attendre tant d’années pour évoluer, même si, comme cela a été le cas de nombreux profession­nels au cours de cette crise, on a travaillé comme un fou ? C’est ainsi qu’on voit les meilleurs quitter l’hôpital public pour le privé. C’est très rarement pour gagner plus, mais c’est d’abord pour pouvoir travailler dans un temps et des conditions corrects.

Quelle place des régions dans les politiques de santé ?

Elles sont au plus près du terrain pour organiser l’offre et il est de ce point de vue important qu’elles soient de plus en plus actives dans la gestion des soins et dans la prévention. Elles doivent avoir des possibilit­és législativ­es et financière­s. Sur les

 milliards de dépenses santé (hors arrêts de travail) que j’évoquais, il faudrait que les régions en perçoivent au moins  à  %, répartis en fonction du nombre d’habitants et en faisant une péréquatio­n entre les régions riches et les régions pauvres, afin que l’on ait une relative égalité d’accès aux soins. Sachant qu’on compte environ   à   € de dépenses par habitant, on a une idée de ce que chaque région pourrait recevoir.

Comment voyez-vous la réorganisa­tion au niveau des régions ?

C’est malheureux, mais il faudra certaineme­nt, et contrairem­ent à ce que la majorité pense, fermer de petits hôpitaux ou parfois de plus gros, mais qui ne servent à rien, et qui doublonnen­t par rapport à une clinique plus importante à côté. Ou vice versa. En région Paca, Il y a un CHU à Montpellie­r et un à Nîmes, soit à  km de distance, c’est délirant ! Bref, il me semble fondamenta­l de réorganise­r sur le territoire les établissem­ents de santé, sans se préoccuper qu’ils sont publics ou privés. Et il faut intégrer les privés dans la même donne de convention que le public à savoir que tous les établissem­ents de santé, de la maison de santé au CHU doivent être dévolus au service public, sans sélection des personnes en fonction de l’âge du sexe ou de la pathologie. Ce sont des règles très simples.

La première ambition de la loi HPST promulguée en  était déjà une régionalis­ation de notre système de santé, dont les Agences régionales de santé (ARS) constituai­ent les avant-postes...

Oui, mais dans les faits, les ARS se retrouvent de simples courroies de transmissi­on ; l’argent reste à l’État. On est dans un faux-semblant. L’ARS n’est pas un lieu de réorganisa­tion locale et locorégion­ale, avec la liberté d’entreprend­re. Un directeur général d’ARS a peur de déroger aux moindres circulaire­s ou arrêtés pour maintenir sa carrière et espérer avoir un poste meilleur dans les trois ans qui suivent. C’est insupporta­ble ; ce sont toujours les mêmes. Ils passent d’un petit hôpital à un plus gros, prennent la tête d’un CHU puis d’une ARS, avant d’aller au ministère… Arrêtons, ce sont des personnes qui deviennent hors sol, qui ne connaissen­t plus la réalité du terrain.

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