Du théâtre pour mettre des mots sur les maux de la crise
À l’Esat Le Prieuré de Saint-Dalmas de Tende, une partie des travailleurs handicapés a repris une activité. Deux fois par semaine, des jeux de rôles les aident à s’adapter aux mesures barrières
Deux fois par semaine, disons que je suis déguisée en “sucette” géante. Mes élèves me disent souvent que je viens pour les opérer à coeur ouvert...», résume dans un rire contagieux Nathalie Masseglia, membre de la compagnie « Embrayage à paillettes/Arpette ». Vêtue d’un masque et d’une blouse intégrale – ou plutôt d’un ravissant emballage de sucette Chupa Chups – la comédienne propose des ateliers de « théâtre Forum » aux travailleurs handicapés de l’Esat Le
(1) prieuré à Saint-Dalmas de Tende. « Avant la crise sanitaire, je venais tous les quinze jours. Avec le déconfinement, il fallait renforcer l’accompagnement des travailleurs en situation de handicap. Pour eux, comme pour nous tous, les gestes
‘‘ barrières ont bouleversé notre quotidien. Selon les pathologies et le handicap, la distanciation sociale peut être mal vécue et même incomprise », souligne Nathalie Masseglia.
Moments d’échange
Créé au Brésil dans les années soixante-dix, le « théâtre forum » permet aux résidents du Prieuré de s’exprimer librement grâce à des jeux de rôles et des mises en situation. En pleine crise du Covid-19, l’humour reste le vaccin idéal contre la propagation du stress et des angoisses.
Comment se saluer sans se serrer la main, comment rester à plus d’un mètre les uns des autres, comment réagir face à une personne qui ne porte pas de masque de protection... « L’idée est de présenter les problématiques liées à la crise sanitaire. Les travailleurs participent et improvisent. Cela permet de dédramatiser des situations et de trouver des solutions. Mais surtout ces moments d’échanges amènent du rire et de la convivialité », ajoute Nathalie Masseglia.
Seuls % des travailleurs ont repris une activité
Depuis plusieurs semaines, l’atelier de « Théâtre Forum » amène un peu de normalité après plus de deux mois de fermeture du Prieuré.
« Notre activité s’est arrêtée du jour au lendemain et il a fallu trouver des solutions immédiates », se remémore Olivier Baillot, directeur de l’Esat. De l’hôtellerie à la restauration en passant par les taches ménagères, la blanchisserie ou les espaces verts... Dès le 15 mars, les 70 résidents du Prieuré ont dû stopper leurs activités. Les ateliers ont été fermés, les visites suspendues et les formations repoussées. « Une cinquantaine de travailleurs ont fait le choix de rester confinés dans le village, en foyer d’hébergement ou en appartement. Il a fallu mettre en place un suivi au quotidien », ajoute le directeur. Durant le confinement, un service de regroupement de commandes alimentaires, de livraison de repas et de blanchisserie a été mis en place afin d’éviter les déplacements des personnes en situation de handicap. « Les 42 salariés de l’équipe éducative de l’Esat ont été mobilisés. Notre plus grande crainte était que nos travailleurs ressentent un isolement », précise le directeur. Par chance, aucun d’eux n’a été impacté par le Covid-19 et des tests PCR réguliers permettent de surveiller l’état de santé de chacun. Depuis le 11 mai dernier, seuls 25 % ont repris le travail au Prieuré. « Les plus fragiles restent chez eux et ils bénéficient d’un accompagnement au quotidien. » À ce jour, certaines activités ont repris comme les espaces verts et les prestations de ménage. Toute l’équipe du Prieuré prépare activement la réouverture dont la date n’est pas encore fixée. « Nous ouvrirons nos portes quand nous serons prêts. Pour l’heure, nous réfléchissons à une nouvelle organisation pour la partie hôtel et restaurant. Il faudra offrir une formule qui assure la sécurité de tout le monde », confie Olivier Baillot. Avec toujours le même objectif pour Le Prieuré : se servir du travail comme d’un outil d’épanouissement et d’intégration.
Selon le handicap, la distanciation sociale peut être mal vécue ”
1. L’établissement et service d’aide par le travail (Esat) de Saint-Dalmas de Tende est géré par l’Association pour la réadaptationetl’épanouissementdeshandicapés(APREH).