Nice-Matin (Cannes)

Le quai des Milliardai­res se refait déjà une beauté

Des travaux au bout du quai sont visibles depuis la route du bord de mer. Mais ils ne sont pas en lien avec l’extraordin­aire vente qu’a réalisé Vauban 21, le gestionnai­re du port, avant la crise

- PROPOS RECUEILLIS PAR JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

Malgré le report – prévue au départ en avril – de la présentati­on du grand réaménagem­ent du port Vauban qui va coûter à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) la bagatelle de 135 millions d’euros, l’organisme en charge de sa gestion poursuit son travail de fourmi afin de rendre à l’infrastruc­ture maritime un éclat digne de son exceptionn­el écrin. Et dans le but d’en faire, enfin, « un port du troisième millénaire » à Antibes. Depuis quelques semaines – hors période de confinemen­t –, des ouvriers s’affairent autour d’une grande pelleteuse et d’un ouvrage en béton, au bout du quai des Milliardai­res. Jacques Lesieur, directeur général de la CCI et de Vauban 21, la filiale gestionnai­re du port, entre dans le détail de ce chantier que l’on aperçoit depuis la route du bord de mer…

En quoi consistent ces travaux au bout du quai des Milliardai­res ?

Ce sont des travaux de conforteme­nt de ce que l’on appelle la place numéro un. Ce n’est pas un scoop de répéter que l’on n’a pas forcément trouvé ce port dans l’état souhaité. Ce poste numéro un, qui est le plus à l’extérieur, est un poste qui a vocation à recevoir de très gros bateaux. Ces bateaux tirent énormément sur leurs amarres lorsqu’il y a du vent latéral. Et on n’est pas du tout aux standards de sécurité sur ce poste. On renforce, on sécurise et on conforte les bites d’amarrage. Nous avons engagé ces travaux importants pour un montant avoisinant les quatre millions d’euros [ils concernent les travaux de ce poste numéro un ainsi que ceux du ponton ]. On teste, à cette occasion, des aménagemen­ts comme des revêtement­s de sol spécifique­s pour ce que l’on appelle les bords à quai.

Quel impact la crise a-t-elle eu sur ce chantier ?

Nous avons subi des surcoûts car depuis le redémarrag­e du chantier, à la fin du mois d’avril, il y a moins d’ouvriers, ce qui a un impact sur la productivi­té.

Vous venez, aussi, de vendre la plus grande place d’Europe à un grand capitaine d’industrie… c’est une bonne nouvelle !

Nous sommes là dans le monde des méga yachts. Il y en a entre  et  dans le monde, dont quelques-uns sont en cours de constructi­on. Ces bateaux fonctionne­nt souvent avec ce que l’on appelle les shadow boat. Soit un bateau moins performant… mais qui reste terribleme­nt performant évidemment. Ils ont vocation à accueillir les toys ,oules accessoire­s que peuvent être par exemple un hélicoptèr­e, des jetskis… Et nous avons donc effectivem­ent vendu deux emplacemen­ts à ce titre. C’est une vente exceptionn­elle sur laquelle nous travaillon­s depuis presque neuf mois. C’est une très belle victoire car il y a énormément de concurrenc­e sur ces places. La nôtre a été retenue pour plusieurs raisons. L’environnem­ent exceptionn­el du port Vauban, entre une ville millénaire et un port qui va se moderniser. C’est l’exceptionn­elle qualité de l’environnem­ent azuréen, aussi, qui a pesé dans la balance. La sécurité politique entre en jeu dans la perception de ces clients internatio­naux. D’autres pays souffrent d’une instabilit­é actuelleme­nt. Pour la petite histoire, on a quand même souffert de handicaps, et notamment de la perception d’une certaine instabilit­é fiscale en France. Ce n’est pas nouveau. Quand on fait un investisse­ment de ce type – un montant que je ne peux malheureus­ement pas vous révéler, notre client l’a exigé –, l’instabilit­é fiscale est parfois un frein qu’il faut contrer.

Et vous y êtes parvenu…

On a réussi à le surmonter car le projet de  millions d’euros que l’on va investir dans le port est attractif pour les gens qui sont propriétai­res de méga yachts. Y compris technologi­quement. D’ailleurs, ce concept de technopole du yachting que nous voulons développer garantit que les innovation­s de Sophia Antipolis seront projetées sur ce port. Ce sont des arguments très intéressan­ts.

Ces travaux au bout du quai des Milliardai­res sont-ils liés à cette vente ?

Non, ce sont des travaux qui étaient prévus de longue date. On engagera certaineme­nt des travaux en lien avec cette vente, en temps utile, mais qui ne seront pas tout aussi importants. C’est un peu comme si vous aviez acheté un parking mais que vous n’aviez pas encore acheté votre voiture. Ce qui est sûr, c’est que les places de cette qualité pouvant accueillir des bateaux de  mètres sont rares.

Quelles sont, dans le détail, les qualités de cette place ?

Il existe un projet technologi­que que je ne peux pas évoquer aujourd’hui. Mais l’attractivi­té du lieu, comme je l’ai dit, a énormément compté. Je rappelle que nous sommes toujours sous la menace d’avoir une sécurité sociale spécifique en France, contrairem­ent aux autres pays, pour les équipages. Et ce serait vraiment une catastroph­e. Pour le moment on se bat. Mais ce n’est pas toujours facile de convaincre les instances gouverneme­ntales que les méga yachts sont, pour la Côte d’Azur, des pourvoyeur­s d’emplois et de sous-traitance gigantesqu­es. Le quai des Milliardai­res, ce sont près de  emplois directs sur les bateaux. On se bat pour en faire   par an, en solde positif, à Sophia Antipolis. Et je ne parle pas de tous les soustraita­nts…

Cette vente peut-elle créer un appel d’air pour le port ?

C’est une très belle victoire pour le territoire. Dans le monde du méga yachting, les propriétai­res se connaissen­t.

Le nom de Bill Gates a été évoqué dans nos colonnes [lire notre édition du  mars]…

C’est bien… C’est du buzz. Il faut comprendre une chose : ces gens-là associent à l’achat de leur place une totale confidenti­alité. Ça fait partie des termes du contrat. Après, que des gens fassent fuiter des informatio­ns ou soit dans le délire…

C’est le maire d’Antibes qui l’a évoqué en réunion publique…

Ces propriétai­res de méga yachts sont rares sur la planète. Ce qui est intéressan­t, c’est que c’est un des premiers gros capitaines d’industrie qui décide de se mettre là. C’est-à-dire que dans ce marché-là, on va au-delà des oligarques ou des Moyenorien­taux. C’est donc intéressan­t de voir ce mouvement qui s’enclenche…

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(Photo Sébastien Botella) Le réaménagem­ent du port Vauban par la CCI a déjà commencé…

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