juin : les établissements de nuit dans le flou
Mardi, les bars pourront rouvrir à Monaco, mais pas les discothèques. Tour d’horizon des lieux nocturnes, entre adaptation et doutes. Certains restent fermés, par crainte de ne pas être rentables
Les apparences sont parfois trompeuses. Hier à La Rascasse, six DJ se sont succédé aux platines, envoyant un son tantôt envoûtant, tantôt électrisant. Pourtant, pas un fêtard sur le dancefloor de cette institution du port Hercule. La fête se veut virtuelle. Par écrans interposés. Histoire de maintenir un lien avec les fidèles noctambules qui rongent leur frein depuis plus de deux mois. Pourtant, malgré l’annonce par le gouvernement princier de la réouverture des bars le 2 juin, La Rascasse gardera, encore un temps, le rideau fermé. Une décision motivée – comme au Sass Café, par exemple (lire ci-dessous) – par une logique de rentabilité.
« On va observer comment cela se passe pour nos confrères qui vont ouvrir. Le mois de juin nous apportera des réponses. A La Rascasse, on a des charges fixes élevées. Ouvrir ne serait pas rentable dans l’immédiat. C’est avec la boîte de nuit qu’on fait du bénéfice », justifie Thierry Mallet, le patron de l’établissement. Or, clubs et discothèques n’ont pas été inclus dans la troisième phase du déconfinement en Principauté. « C’est encore trop tôt. Ce sont des lieux où l’on ne porte pas de masque, où l’alcool peut faire qu’on est moins attentif à nos actions », avait justifié le gouvernement princier.
Capacité d’accueil réduite
Pour les bars et pubs prêts à sauter le pas et tenter le pari de la réouverture – malgré des doutes certains sur une fréquentation de la clientèle – c’est l’heure du grand nettoyage. Ici et là, on espace les tables d’1,50 mètre, conformément aux mesures décrétées par le gouvernement princier (lire ci-dessous). Réduisant, de fait, la capacité d’accueil théorique. «Ona calculé : on passe de 130 couverts en intérieur et extérieur à une quarantaine. Il faut s’adapter, on n’a pas le choix », détaille Émilie Huquet, directrice du pub irlandais McCarthy’s, laquelle se donne encore quelques heures pour statuer sur une réouverture.
Les autres mesures imposées ?
Aucun client debout ou au comptoir, karaoké et groupes en live interdits, ambiance musicale modérée, pas d’assiettes à partager... Forcément, les lieux nocturnes perdent un peu de leur charme. « Le Gerhard’s Café est connu pour être un bar de marin, de rencontres conviviales. Où tout le monde est debout et collé. C’est certain que ces mesures changeront les choses. J’espère que ça ne durera pas trop longtemps. Si la situation ne se dégrade pas, il y a bon espoir qu’ils passent à la phase suivante », sourit Gerhard Killian, le patron. Sousentendu : que les mesures s’assouplissent au fil des semaines.
« On est habitué à faire du bruit »
« Oui, c’est certain que les mesures sont contraignantes, embraye Gilles Goggia, directeur général du Jack, conscient, toutefois, de la nécessité de celles-ci pour éviter que le Covid-19 ne grignote du terrain. On ne va ouvrir que le restaurant. Et on accueillera des gens qui veulent boire un verre mais assis à des tables. Le tout avec un fond musical. S’il y a du monde, on sauve les meubles. Le but est ne pas perdre d’argent. »
D’autres revoient littéralement le concept des lieux. Le temps, du moins, que le virus prenne définitivement la poudre d’escampette. « Le volet boîte de nuit, on oublie, embraye Giovanni Castaldi, patron du Before. Ici, on est habitué à faire du bruit, à ce que les gens dansent sur les tables, à avoir des groupes de musique, des DJ. Avec la réouverture, on aura la vocation d’être un bar-restaurant musical, avec une musique plus lounge, plus chill. On va donner un plus vaste choix au niveau de la carte de la restauration. Il faut qu’on respecte les règles, sinon c’est l’anarchie. On va suivre attentivement l’évolution du virus et les décisions futures du gouvernement. »
« Dans le flou »
Grande crainte des professionnels : l’affluence sera-t-elle au rendez-vous ? Les premiers temps, beaucoup laisseront une partie du staff en CTTR, le chômage total temporaire renforcé. « L’été, on travaille beaucoup avec des saisonniers. A priori, on ne devrait pas en prendre, ajoute Émilie Huquet. L’affluence, ce sera vraiment quitte ou double. On ne sait pas si les clients seront là. C’est nouveau pour tout le monde. 40 % de notre clientèle est étrangère. Sont-ils repartis au Royaume-Uni ou restés ici ? C’est le flou. Et cela complique forcément l’organisation. On avance au jour le jour. » C’est l’état d’esprit de tous les acteurs de la vie nocturne.