Nice-Matin (Cannes)

« On a réalisé l’équivalent de

La période de déconfinem­ent voit l’envolée de la fréquentat­ion des pistes cyclables. L’effet sera-t-il durable ? A quelles conditions ? Jérémie Almosni, chef de service Transport et Mobilité à l’ADEME (1), répond

- PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE CASALS scasals@nicematin.fr

Quel est l’effet « covid » sur les déplacemen­ts cyclables ?

On assiste à une progressio­n sans précédent de l’usage du vélo. La Métropole Nice Côte d’Azur a enregistré une hausse de  % de fréquentat­ion des pistes cyclables en période de déconfinem­ent. C’est énorme. Et à l’échelle nationale on observe une progressio­n de  % de la fréquentat­ion cyclable par rapport à la moyenne du er janvier au  mars .

Face au Covid-, le report vers le vélo comme « geste barrière » a été une réponse. Cette envolée s’est traduite par une hausse des ventes et une pénurie de vélos dans certaines enseignes. Pour répondre à cette situation, et permettre à ceux qui ont une bicyclette qui nécessite d’être remise en état, le gouverneme­nt a mis en place une aide de  euros pour faire réparer son vélo. Des stationnem­ents provisoire­s via les programmes de la Fédération des Utilisateu­rs de la Bicyclette ont été installés.

A Nice des nouvelles pistes sur la Prom, Gambetta, La Madeleine ont été aménagées, c’est un coup d’accélérate­ur puissant alors que la ville est classée avant-dernière au dernier baromètre des villes cyclables. A

Antibes, Cannes, Mouans-Sartoux

…etunpeu partout en France de nouvelles voies cyclables ont été créées : ça représente plusieurs centaines de kilomètres. En

‘‘ l’espace de quelques semaines on a réalisé l’équivalent de  ans de politique cyclable. On peut se réjouir de cette accélérati­on mais le chemin à parcourir reste long pour sortir des derniers rangs des Européens avec moins de  % de la part du vélo dans les déplacemen­ts.

Les nouvelles pistes cyclables ont suscité des levées de boucliers et certaines collectivi­tés ont rétropédal­é...

Il est certain que l’espace public n’est pas extensible. Quand on favorise un mode de déplacemen­t, la marche ou le vélo, forcément on prend de la place à la voiture, qui occupe déjà plus de  % de cet espace voire  %. Cet équilibre entre une incitation favorable au vélo, à la marche et plus de contrainte­s sur la voiture peut engendrer des résultats favorables sur ces choix de déplacemen­ts « doux ». Quand on sait que plus de  % des trajets quotidiens font moins de  km, le potentiel est énorme.

Dans le cas de la nouvelle piste cyclable entre la Promenade et le port de Nice, la question sera comment on va gérer les voitures qui débarquent des ferries.

Il faut évaluer les flux, enquêter et avoir une politique qui priorise : quels sont les itinéraire­s privilégié­s pour le vélo et ceux privilégié­s pour les voitures. L’accès au littoral de manière apaisée doit certaineme­nt donner une priorité aux modes actifs. On peut regretter la vitesse de déconstruc­tion, sans avoir objectivé la décision par une concertati­on avec les associatio­ns vélos, les usagers, des enquêtes terrains, des échanges nécessaire­s. Il faut laisser le temps à l’expérience utilisateu­r, mettre des capteurs, apprécier la situation de façon fine et précise. Le changement d’habitude prend du temps et il faut éviter ces contre signaux.

A Marseille, ils ont fait machine arrière parce que des deux roues motorisées empruntaie­nt la piste cyclable et la rendaient dangereuse. Ce n’est pas la bonne réponse alors que ces aménagemen­ts permettaie­nt à des usagers de prendre des axes structuran­ts de la ville. Plutôt que de pénaliser le vélo, il faut s’assurer d’un contrôle de non-respect du code la route et pénaliser les mauvais comporteme­nts.

La mise en place d’une politique de contrôle-sanction est tout aussi importante que le développem­ent de ces installati­ons en faveur des mobilités émergentes.

Entre et

Villeneuve-Loubet Antibes

,la double voie cyclable aménagée côté plage est obstruée par des voitures qui stationnen­t. Il est nécessaire que la police municipale sanctionne les contrevena­nts.

Cet engouement pour le vélo sera-t-il durable ?

On l’espère. C’est là que la concertati­on avec les usagers est importante. Faire évoluer les déplacemen­ts de la voiture vers le vélo est un effet désirable de ce déconfinem­ent, mais il faut s’assurer que les exécutifs pérenniser­ont les nouveaux aménagemen­ts. Il y a aussi un vrai enjeu de sécurisati­on et de continuité de ces itinéraire­s cyclables. Il faudra les compléter via des investisse­ments massifs dans ces pistes ou encore les services vélo comme les stationnem­ents sécurisés, les services de réparation­s, ce sont des conditions nécessaire­s à poursuivre et renforcer. L’annonce récente de collectivi­tés qui soutiennen­t l’achat de vélo à Assistance Electrique (VAE) abondée de € par l’état est aussi une très bonne nouvelle pour capter des parts modales de la voiture vers le vélo.

Une bonne stratégie vélo ne peut pas seulement être circonscri­te au périmètre d’une zone administra­tive. Quand on veut aller de Nice à Sophia Antipolis à bicyclette, il y a des carences, au niveau des Marina, puis à Biot il n’y a plus de piste. Il faut réfléchir à l’échelle d’un bassin de mobilité. Le découpage du territoire par intercommu­nalités ne doit pas être un frein à une politique vélo. La loi d’orientatio­n des mobilités permet une politique cyclable intégrée au périmètre des bassins de mobilité c’est-à-dire tenant compte des zones d’habitation­s, d’activités avec l’autorité organisatr­ice comme chef de file. C’est certaineme­nt une nouvelle configurat­ion gagnante. Le rôle des associatio­ns vélo (Club des Villes et Territoire­s Cyclables, Vélo & Territoire­s) est aussi déterminan­t pour accompagne­r ces communauté­s avec l’ADEME

à leur côté. L’autre point

() important est de proposer des stationnem­ents sécurisés pour les vélos. Il y a aussi quelques idées reçues à déconstrui­re, comme celle que le vélo en réduisant la place de la voiture nuirait au commerce de proximité et à son attractivi­té.

Le vélo ne tue-t-il pas le commerce de proximité ?

Non, au contraire. Dans les grandes villes (les communes de plus de   habitants), le constat est clair : la plupart des clients des petits et moyens commerces vient à pied (pour  % d’entre eux) et moins d’un quart en voiture. Et plus on pénètre dans l’hypercentr­e, plus la proportion de clients qui viennent à pied ou en transports collectifs augmente, au détriment de la voiture dont on estime que le poids descend autour de  %. Les exemples montrent que les modes de déplacemen­t à vélo, à pied, contrairem­ent aux idées, ont un impact bénéfique sur l’activité. De nombreuses villes ont réussi à relancer leur commerce de proximité non pas en encouragea­nt leur accessibil­ité en voiture mais en découragea­nt son usage. Ainsi, Madrid amis en place des restrictio­ns de circulatio­n dans toute une partie de son centre-ville afin de laisser plus de place aux piétons et diminuer la pollution. L’activité commercial­e a augmenté de , % en à peine un an. Strasbourg est première au classement Procos (Fédération représenta­tive du commerce spécialisé) des centres-villes marchands les plus dynamiques… et c’est également la Métropole de province ou l’utilisatio­n de la voiture est la plus faible.

 % de fréquentat­ion en plus sur la Métropole”

‘‘

Le changement d’habitude prend du temps”

1. Agence de la transition écologique

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(Photo Eric Ottino) Sur la nouvelle piste cyclable de Nice sur la chaussée entre le quai des Etats Unis et le port.
 ?? (Photo Jean Chiscano) ?? Jérémie Almosni décrypte l’effet du Covid- sur ce mode de déplacemen­t.
(Photo Jean Chiscano) Jérémie Almosni décrypte l’effet du Covid- sur ce mode de déplacemen­t.
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