Nice-Matin (Cannes)

La tombe oubliée de Madeleine Launet

- M.-C. A. mabalain@nicematin.frl

C’est une histoire triste et belle à la fois. Elle relie des hommes d’aujourd’hui à une jeune fille morte durant la guerre 19141918, à Juan-les-PIns et dont la mémoire et l’oeuvre qu’elle a accomplie à l’époque ont failli tomber dans l’oubli. Effacée, comme ces lettres au-dessus de sa tombe au cimetière Rabiac. C’était sans compter avec le coeur des hommes. Comme celui de Jean-Michel Albertini, membre du Souvenir Français, à l’origine de la réhabilita­tion de la sépulture de Madeleine Launet. Sa découverte, qu’il a narrée avec de jolis mots dans le journal de l’associatio­n qui, à travers la France, veille à la reconnaiss­ance et à l’entretien des tombes des soldats, « tombés au champ d’honneur », a tout déclenché.

Il raconte. « C’était en 2010. Le 1er novembre. Je suis arrivé un peu en avance pour les cérémonies officielle­s au cimetière et j’ai flâné à proximité du carré militaire d’honneur. J’ai été intrigué par deux petites tombes, à l’opposé, contre le mur, juste à droite de l’entrée. Au-dessus de l’une, j’ai aperçu comme une plaque, mais tout était envahi par le lierre. En y regardant de plus près, j’ai découvert une inscriptio­n, lisible, même si les lettres sont un peu effacées...» Cette inscriptio­n la voici : « Tout charme, toute intelligen­ce, toute tendresse, Madeleine fut la première collaborat­rice de l’oeuvre des orphelins de la guerre et mourut à dix-huit ans. » Suit une date : 16 juin 1915.

La villa Tosca, havre de paix

« Cela m’a profondéme­nt ému. Je suis moimême orphelin de guerre. Mon père a été tué en 1945, près de Colmar », explique Jean-Michel Albertini. Avec le président du Souvenir Français, Yves Ledoux, aujourd’hui disparu et d’autres bénévoles, ils tentent de sensibilis­er la Ville pour restaurer cette tombe, dans un piteux état. «La mairie nous avait promis de le faire, mais rien n’est jamais venu. Alors, finalement, nous avons fait les travaux nous-mêmes. » Surtout, Yves Ledoux, passionné d’histoire comme Jean-Michel Albertini, a entrepris des recherches pour savoir qui était cette Madeleine. Car, sur la tombe, très dégradée, nul nom. Il a été aidé dans sa quête par Michelle Froissard, alors responsabl­e des archives municipale­s. « Son aide a été précieuse », note Jean-Michel Albertini qui a conservé les courriers de Michelle Froissard datés de 2011. D’après la date de décès et le prénom de la jeune fille sur la plaque, l’archiviste a retrouvé, sur les registres de l’état civil, trois Madeleine. Dont une Madeleine Launet, née à Paris en 1896 et décédée à Antibes en 1915.

La jeune fille et sa mère Antoinette ont joué un noble rôle dans l’accueil des orphelins de guerre. Hélas très nombreux tant la première guerre mondiale a été terrible. Le 2 août 1914, l’OEuvre des orphelins de la guerre a été fondée à Étretat, mettant à dispositio­n des petits malheureux toits et écoles. Face aux besoins grandissan­ts, des colonies ont été créées sur la Côte d’Azur. À Juan-les-Pins, une première structure a vu le jour le 1er mai 1915, à l’hôtel Graziella, réquisitio­nné. Quatreving­t-neuf enfants du nord et de l’est de la France ont été accueillis. Puis, toujours pour face au nombre important d’orphelins, plusieurs villas ouvrent, à leur tour, leurs portes. Comme la Villa Tosca, propriété d’Antoinette Launet. La dame et sa fille, Madeleine, pourtant très jeune, se sont dévouées.

Une générosité sauvée de l’oubli par le Souvenir Français qui prend soin de la dernière demeure de Madeleine.

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Si vous allez au cimetière Rabiac, n’oubliez pas la tombe de Madeleine.DR

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