Nice-Matin (Cannes)

5 vainqueurs du Dauphiné, maudits sur le Tour

- PAR ROMAIN LARONCHE

1 Nello Lauredi

Nello Lauredi a vu le jour en Toscane, à Mulazzo, en 1924. Mais il n’a que quatre ans lorsque ses parents émigrent vers la Côte d’Azur. Apprenti-boulanger à Vallauris, il va vite délaisser ce premier métier pour se forger une belle réputation sur la route. Il n’a que 25 ans lorsqu’il va inscrire son nom au palmarès du Dauphiné Libéré. En 1950, il devance Apo Lazaridès. L’année suivante, même consécrati­on, cette fois devant Antonin Rolland. En 1952, il frôle le triplé, seulement battu par Jean Dotto. Celui qui est enterré à Saint-Laurent-du-Var s’imposera finalement une troisième fois en 1954. Malheureus­ement, l’Azuréen n’a pas eu la même réussite sur le Tour de France. Lauredi y remporta toutefois trois étapes, porta le Maillot Jaune quatre jours et termina deux fois dans le “top 10”. Ce sont souvent des chutes qui l’ont empêché de viser plus haut. Comme en 1955, où il tomba à 70 km/h dans un ravin de 5 mètres dans la descente du col de Choulia, dans les Pyrénées. Les habitants de la région rebaptiser­ont même le “pont Lauredi”, à l’endroit de la voltige. « On a cru qu’il s’était cassé la colonne. Heureuseme­nt qu’il était souple et adroit, sinon il serait probableme­nt mort », avait témoigné dans nos colonnes son épouse Ginette. Outre cette malchance sur la route, le principal problème du grimpeur était d’être né quelques mois avant un certain Louison Bobet. Il n’y avait pas la place pour deux leaders en équipe de France. Marcel Bidot, le directeur sportif, avait opté pour le Breton qui lui rendait bien, avec trois succès (1953, 54, 55).

Palmarès : vainqueur du Dauphiné en 1950, 51, 54. 7e du Tour de France en 1956.

2 Raymond Poulidor

Raymond Poulidor, c’est 189 victoires dans sa carrière, et pas n’importe lesquelles : des classiques (Milan-Sanremo, Flèche Wallonne), un championna­t de France, deux Paris-Nice, deux Dauphiné, un Tour d’Espagne .... Bref, un palmarès exceptionn­el, mais pas de succès ni même le moindre jour en Jaune en quatorze participat­ions sur le Tour. “Poupou” détient le record de podiums (8) et cette légendaire malédictio­n sur la Grande Boucle a aussi servi à construire sa légende. Battu à la régulière par deux monstres sacrés (Anquetil et Merckx), il n’a pas profité des quatre années de battement entre ces quintuples vainqueurs du Tour (de 1965 à 1968). Pourtant, en 1968, le Tour lui semblait promis. Mais “l’éternel second” se fait renverser, sur une étape de transition, par une moto de presse. Verdict : double fracture de l’os frontal et un abandon deux jours plus tard à Aurillac. Sa chance était passée, le “Cannibale” arrivera dès l’été suivant. Sur le Dauphiné, le Limousin ne laissera pas passer sa chance dans ses “années creuses”, remportant deux éditions (les éditions 1967 et 1968 n’ayant pas été disputées) en 1966 et 1969. D’ailleurs, lors de son dernier succès, il se paya le luxe de devancer un certain Jacques Anquetil (4e), qui disputait, certes, sa dernière saison à 35 ans.

Palmarès : vainqueur du Dauphiné en 1966, 69. 8 podiums sur le Tour de France entre 1962 et 1976.

Bien avant Nairo Quintana ou Egan Bernal, un petit grimpeur colombien a fait rêver des milliers de supporters sud-américains. Luis Alberto Herrera, dit “Lucho” s’est imposé par deux fois sur le Dauphiné. D’abord en 1988, dans la foulée de sa victoire sur la Vuelta (le premier grand Tour remporté par un Colombien), où il devance le Suisse Niki Rüttimann et Charly Mottet. Herrera ne porte qu’une seule fois le Maillot Jaune, sur le podium final, après une victoire dans l’ultime contre-la-montre autour de Grenoble, faisant la différence dans le col de Porte. En 1991, le “petit jardinier de Fusagasuga” récidive, cette fois en chipant le maillot de leader à Tony Rominger à deux jours de l’arrivée. “Lucho” place un démarrage puissant sur les pentes du Mont Revard, que le Suisse ne peut suivre. Sur la Grande Boucle, il a toujours manqué un petit quelque chose pour que le grimpeur puisse rêver à une victoire finale. Pourtant, dès 1984, il s’impose au sommet de l’Alpe d’Huez, à 23 ans, écoeurant Bernard Hinault et Laurent Fignon. Le grimpeur de poche (1m68, 56 kg) réalise un véritable exploit, lui qui porte le maillot de l’équipe amateur “Colombie-Piles Varta”. D’autres suivront comme ce nouveau succès d’étape à SaintEtien­ne, l’année suivante, le visage ensanglant­é par une chute ou ses deux maillots à pois ramenés en 1985 et 1987. Mais pas de victoire, ni même de podium. L’explicatio­n ? Le “Blaireau” la livrera dans son phrasé. « Comme ce n’étaient que des grimpeurs et rien d’autre, on s’est occupés d’eux dans la plaine... Franchemen­t, Herrera, il n’était pas compliqué à gérer. Comme il était très mauvais dans le contre-la-montre et qu’il s’envolait dès qu’il y avait du vent, il se prenait au moins dix minutes dans la vue dès la première semaine. Poum ! Au revoir monsieur et merci d’être venu ! Comme ça, c’était fait ». Palmarès : vainqueur du Dauphiné en 1988, 91. 5e du Tour 1987, 2 fois meilleur grimpeur (1985-87).

4 Christophe Moreau

En 2001, Christophe Moreau a déjà 30 ans et connu les affres de l’affaire Festina lorsqu’il remporte son premier Dauphiné. Le Franc-Comtois devance le Russe Pavel Tonkov d’une seule petite seconde. Quatrième du Tour de France l’année précédente, à 30 secondes du podium, il a le profil pour taquiner Lance Armstrong. Dès le premier jour, à Dunkerque, il repousse Lance Armstrong à 3 secondes, Jan Ullrich à 7, remporte le prologue et porte le Maillot Jaune. « J’ai fait ce prologue à 53,3 km/h devant tous les leaders et les spécialist­es. Ce n’est pas un concours de circonstan­ces », s’enflamme le leader de Festina. Malheureus­ement pour lui, il prend froid quelques jours plus tard et tombe malade. Lâché dès les premières difficulté­s pyrénéenne­s, il abandonne. Après les années Armstrong, Moreau retrouve le devant de la scène.

Septième du Tour 2006, il s’offre un deuxième Dauphiné l’année suivante, remportant deux étapes, dont une au Ventoux, et bat les Evans, Menchov, Contador ou Vinoukouro­v. Même à 36 ans, il fait partie des favoris à la victoire finale dans un Tour délesté d’Armtrong. Dans une étape de transition en direction de Montpellie­r, ses rêves de victoire s’envolent. D’abord victime d’une chute, il prend un coup de bordure fatal initié par les Astana de Vinokourov. Quelques jours plus tard, c’est le jeune Alberto Contador qui s’impose.

Son parcours : vainqueur du Dauphiné en 200107. 4e du Tour de France 2000.

5 Alejandro Valverde

Voilà 15 ans qu’Alejandro Valverde fait partie des outsiders pour la victoire finale sur le Tour de France. Coureur précoce, complet, n°1 mondial dès ses 26 ans (en 2006), vainqueur d’une Vuelta (2009), champion du monde (2018), l’Espagnol n’a jamais réussi à s’imposer sur le Tour. Pourtant en 2008 et 2009, c’est bien lui qui domine Cadel Evans et Alberto Contador sur le Dauphiné. En 2008, l’Espagnol est le grand favori au départ à Brest. Il remporte d’ailleurs la première étape et endosse le Maillot Jaune. Il récidive à Super Besse dès la sixième étape. Quelques jours plus tard, le Murcian est victime d’une chute. Touché au coude et au genou, il termine la Grande Boucle diminué (8e). En 2017, il fait encore partie des prétendant­s lorsqu’il chute dès le premier contrela-montre sur une route détrempée à Dusseldörf. L’Espagnol souffre d’une double fracture (rotule et astragale) et doit mettre fin à sa saison. Son parcours : vainqueur du Dauphiné en 2008, 09. 3e du Tour de France 2015.

 ?? (Photos AFP et doc N-M) ?? Lauredi
(Photos AFP et doc N-M) Lauredi
 ??  ?? Moreau
Moreau
 ??  ?? Poulidor
Poulidor
 ??  ?? Valverde
Valverde
 ??  ?? Herrera
Herrera
 ??  ?? Hinault et Herrera vers Morzine, sur le Tour .
Hinault et Herrera vers Morzine, sur le Tour .

Newspapers in French

Newspapers from France