Après la crise sanitaire, la crise alimentaire ?
Coeurs du Campanin, Croix-Rouge, Aide humanitaire... les associations caritatives constatent – avec inquiétude – une augmentation des demandes d’aide alimentaire. Mais, en temps de crise, les denrées commencent à manquer...
Alignés le long de la route, les bénéficiaires attendent leur tour. Un sac en plastique sous le bras, les yeux rivés sur le bitume. Les retardataires remontent d’un coup de main leur visière pour suivre du regard l’évolution de la file d’attente... qui n’en finit pas. Ce jour-là, il y a du monde devant l’épicerie solidaire des « Coeurs du Campanin ». Du lundi au samedi, le local de la Promenade du Val de Menton accueille des personnes démunies pour leur fournir une aide alimentaire. Chaque jour, la soixantaine de bénévoles fait la tournée auprès des grandes
‘‘ surfaces, afin de récolter les produits frais. Ils sont ensuite triés, stockés dans une chambre froide et distribués le jour même. Mais depuis la crise sanitaire, l’association caritative de Menton doit faire face à une augmentation conséquente du nombre de personnes en situation de précarité. Habituellement, les « Coeurs du Campanin » aident chaque semaine plus de 130 familles, soit environ 400 bénéficiaires. Depuis mars, le chiffre est passé à 200 familles. « Il y a beaucoup de travailleurs saisonniers qui se retrouvent sans emploi et qui n’arrivent plus à payer leur loyer. Il y a également des mères célibataires qui reviennent vers nous car impactées par la paralysie de l’économie... Cette recrudescence nous inquiète vraiment », s’alarme Patricia Bonsignore, vice-présidente de l’association. Maria fait partie de ces nouveaux précaires, nés de la crise du Covid-19. « Je viens depuis deux semaines car je n’ai pas d’autre choix...» La jeune femme travaille dans la restauration et s’est retrouvée au chômage partiel. « Le problème, c’est que les pourboires représentaient une grosse partie de mon salaire. Aujourd’hui, avec seulement 800 euros par mois, j’ai du mal à payer mon loyer et à manger. J’ai perdu 5 kilos depuis mars...» Pour Isabelle, au chômage depuis des mois, la pandémie a totalement paralysé ses recherches d’emploi. « J’ai une formation de secrétaire médicale et j’avais espoir de trouver un job. Mais avec la situation économique compliquée, j’ai peur de rester dans l’impasse pendant encore un long moment...»
Durant le confinement, l’association a été d’un grand secours pour Isabelle et de nombreux habitués de l’épicerie. Car les « Coeurs du Campanin » ont continué à fonctionner grâce à l’opiniâtreté d’une vingtaine d’âmes combatives. « Les bénévoles les plus fragiles sont restés chez eux. Au quotidien, ça était compliqué de s’approvisionner car les supermarchés ont été dévalisés au début de la crise. Pour tenir le coup, nous avons dû acheter nous-mêmes des produits », souligne Alain Bonsignore, le trésorier. Et Patricia d’ajouter que l’association a dépensé plus 5 000 euros de nourriture afin de répondre à la demande croissante.
Or, cette année « Les coeurs du Campanin » auront très peu de rentrées d’argent. « Notre buvette, organisée à l’occasion de la Saint-Pierre en juillet, est annulée. Cet événement nous permettait de récolter des sous pour notre épicerie. » Autre mauvaise nouvelle : dès le mois de juin, l’un des supermarchés partenaire n’approvisionnera plus que deux fois par semaine l’épicerie, au lieu de trois habituellement. « Il nous donnait des produits frais, des légumes et de la viande. Cela va réduire considérablement nos stocks de nourriture alors même que la demande explose », confie avec désarroi Patricia Bonsignore.
Après la pandémie, la pénurie alimentaire risque de devenir le fléau des prochains mois.
Nos stocks diminuent alors que la demande explose ”