Nice-Matin (Cannes)

À l’assaut du Fort Carré à Antibes

Cet ancien poste de défense construit au XVIe siècle est devenu l’emblème de la ville. Il reste pourtant assez méconnu

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr

Depuis la route du bord de mer, on ne voit que lui. Massif et élégant, planté là depuis une éternité. Le Fort Carré, juché sur la presqu’île Saint-Roch, culmine à 43 mètres. Aujourd’hui, il semble placide. D’ailleurs, il n’a jamais vraiment été chamboulé. De toute sa vénérable histoire, de son ouverture en 1585, après trente-trois ans de travaux, à la moitié du XIXe siècle, le bâtiment n’aura subi que deux attaques. « Il a très bien rempli sa fonction dissuasive », sourit Mégane d’Agostino derrière son masque. Depuis un an, cette jeune femme fait partie de l’équipe de quatre guides du lieu. Comme ses collègues, elle anime des visites d’une trentaine de minutes. Assez pour en savoir plus sur l’histoire de ce bâtiment aux murs de 4,5 mètres d’épaisseur. Et aussi pour profiter d’un panorama incroyable. D’un côté, le port de plaisance, son quai des milliardai­res, le cap d’Antibes et le bois de la Garoupe. De l’autre, une vue sans obstacle sur les Alpes et Nice.

Indûment attribué à Vauban

« Évidemment, cet emplacemen­t a été choisi parce qu’il permettait d’observer d’éventuels mouvements de l’ennemi. Au moment de la constructi­on, Nice appartenai­t encore au comté de Savoie », poursuit Mégane.

Alors que les guerres d’Italie battaient leur plein, Henri II avait commandé cet ouvrage à Jean Renaud de SaintRémy, un ingénieur militaire. Quelques années auparavant, celui-ci avait réalisé les remparts bastionnés de SaintPaul-de-Vence. La documentat­ion autour de son travail étant presque inexistant­e, il est très fréquent que l’érection du Fort Carré soit attribuée à Vauban. Le marquis, nommé maréchal de France par Louis XIV, est pourtant né en... 1633. « La confusion existe, parce que Vauban a créé les remparts. Le port a aussi pris son nom. Mais il n’est pour rien dans la constructi­on du Fort. D’ailleurs, quand il est passé ici, cela ne lui a pas plu. Il voulait tout détruire et recommence­r, pour relier le site à la vieille ville et transforme­r le tout en immense forteresse. Après sa mort, ses plans ont été abandonnés. Ils auraient nécessité trop de moyens », expose la guide.

Lorsqu’elle arpente les lieux, elle est habituée à répondre à une autre question : pourquoi appeler ce bastion « Fort Carré », alors qu’il ne semble pas l’être vraiment ?

« En fait, le Fort entre dans un carré parfait si on relie ses pointes, qui servaient autrefois de magasins d’artillerie. Autour de la tour centrale, en regardant les plans ou une vue aérienne, on retrouve aussi cette forme carrée. » À partir de 1860, avec le rattacheme­nt de Nice à la France, ce poste d’observatio­n et de défense n’a plus d’utilité. Il est transformé en site d’entraîneme­nt sportif (escalade, descente en rappel) pour les militaires, qui y vivront jusqu’en 1968. Appartenan­t à l’État, il restera vide et fermé pendant près de trente ans. Les anciennes casemates, situées en contrebas, sont affectées au ministère de la Jeunesse et des Sports. Le Fort, lui, bénéficie de l’action du club du Vieux Manoir, entre 1979 et 1985. Il coordonne la rénovation de l’enceinte et sollicite des adolescent­s pour participer à des chantiers pendant leurs vacances scolaires. Avant le rachat par la Ville d’Antibes, en 1997, et l’ouverture au public un an plus tard, un duo célèbre y aura mis les pieds. En 1983, on y découvre Sean Connery et Kim Basinger dans des scènes de Jamais plus jamais, le dernier long-métrage du premier nommé dans le costume de James Bond. À cheval, il est encerclé par les sbires de Maximilian Largo, le méchant. Dans le film, cette base côtière est supposée se nommer Palmyre, quelque part en... Afrique du Nord (et non en Syrie). Le Fort Carré stimulait bien l’imaginatio­n.

Vraiment carré... en regardant du ciel et en traçant des lignes imaginaire­s

Avenue du 11-Novembre. Ouvert de 10 h à 17 h, du mardi au dimanche. Toutes les visites sont guidées, avec un départ toutes les trente minutes. Actuelleme­nt, il est impératif de réserver au moins 24 h à l’avance et chaque groupe est limité à cinq personnes. Le port du masque est obligatoir­e. Jusqu’à la fin du mois, l’accès est gratuit. Le reste du temps, entrée 3 € (réduit 1,5 €). Un billet combiné à 10 € permet également de visiter les musées Picasso, d’archéologi­e et Peynet. Rens. 04.92.90.52.13. ou antibes-juanlespin­s.com/culture/fort-carre

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