Nice-Matin (Cannes)

À cuir ouvert

Création d’Olivier Marchal, la série policière a misé sur des flics de choc, souvent à la limite, pour renouveler le genre. Avec succès…

- MATHIEU FAURE

Ilyadans Braquo tout l’univers cher à Olivier Marchal, cet ancien flic devenu réalisateu­r à succès quand il s’agit de raconter des histoires de poulets et de voyous. Au cinéma, d’abord, avec 36 quai des Orfèvres, MR73, Gangsters, puis à la télévision avec en 2009 l’arrivée de Braquo sur Canal +.

Axé sur un quatuor de la Sous-direction de la Police judiciaire (SDPJ) des Hauts-de-Seine (JeanHugues Anglade, Nicolas Duvauchell­e, Joseph Malerba et Karole Rocher), Braquo tente de critiquer le dysfonctio­nnement du système, montrant des policiers sans moyens à qui on demande sans cesse plus de résultats. Alors il y a cette fameuse ligne jaune, celle de la loi, de la déontologi­e, de la morale, que le quatuor, Eddy

Caplan en tête (Anglade) franchit très rapidement. Il émerge de Braquo l’idée que l’on ne peut pas faire correcteme­nt son métier de flic sans se salir les mains.

Des flics seuls, tristes, usés par leur boulot

Aux États-Unis, The Shield avait surfé sur cette idée que les bons flics devaient forcément emprunter le chemin des voyous qu’ils poursuiven­t pour lutter contre le crime. Braquo est de cette trempe. L’engrenage infernal, inévitable et fatal, que le quatuor emprunte reste pourtant dicter par une seule chose : laver leur honneur. Être flic, c’est une question d’honneur quelque part. Il y a un code, une fraternité, un credo. Alors quand l’Inspection générale des services (IGS) critique les méthodes du groupe de Caplan, c’est d’honneur dont il est question. Certaines séries de flics s’intéressen­t uniquement au cadre profession­nel, Braquo va plus loin. On y voit des flics seuls, tristes, usés par leur boulot et donc des familles détruites. Aussi bien des épouses, des enfants, des parents...

Le tout dans un univers très « Olivier Marchal ». Car l’ancien flic aime imprégner son style. Que ce soit dans les dialogues – toujours nerveux et teinté d’argot – ou dans le style. Chez Marchal, on aime le cuir, la clope, les verres d’alcool, les grosses cylindrées et les barbes de trois jours. Accessoire­ment, on aime le plaisir de la chair et un peu les substances illicites.

Car un flic est souvent à la limite. La première saison est une vraie claque car elle dérange. Sans réussir à complèteme­nt arrêter le curseur de l’authentici­té entre la fiction et le documentai­re, Braquo installe son style. Sa touche. Sa manière de raconter la vie de flic. Et puis Marchal a confié son bébé à partir de la saison deux à Abdel Raouf Dafri, le scénariste de La Commune, Mesrine, Un Prophète. Depuis, entre Marchal et Dafri, le torchon brûle car le second a clairement mis la série à son image. « La propension au pathos d’Olivier, ses héros qui pleurent sur leur bière, ça me fatigue. Je préfère prendre du recul, être sarcastiqu­e », lance Dafri dans les colonnes de Télérama au moment de la sortie de la deuxième saison en 2011. «Les dialogues de la saison 1 sonnaient trop à l’ancienne. On ne peut plus reproduire le verbe fleuri à la Audiard dans une fiction contempora­ine. Le langage, aujourd’hui, s’est appauvri », conclut Dafri. Alors que Braquo débute comme un thriller sombre façon Narc – film de John Carnahan sorti en 2002 et très apprécié par Marchal – les saisons suivantes sont plus des westerns urbains. Et Dafri réussit le luxe de changer la nature d’une série tout en restant dans la même lignée que la saison originelle.

Un constat qui fait bondir Olivier Marchal qui, en 2014 pour Le Monde, assassinai­t la tournure prise par sa création : «Je suis remonté comme une pendule. J’ai honte de ce qu’est devenue la série. Ça m’a surtout discrédité auprès du public. J’ai demandé, en vain, à ce que mon nom soit enlevé du générique. On m’avait proposé de revenir sur la saison 3, j’ai dit oui à condition de changer la production. Ça ne s’est pas fait. Je vais écrire une lettre : comment on a tué Braquo ».

Comme dans la série, ça tire à balles réelles.

Et quelque part, ça respecte assez bien l’ADN de Braquo. Allez, on va s’en griller une avant d’enfiler le cuir façon Christophe Hondelatte dans Faites entrer l’accusé.

Bagnoles, clopes, cuir, la Sainte Trinité

4 saisons, disponible sur My Canal.

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