La citadelle intérieure
« Vivre, ce n’est pas attendre que l’orage passe, c’est apprendre à danser sous la pluie. » Tout est dit. Le philosophe
Frédéric Lenoir convoque les anciens pour nous livrer un bréviaire de sagesse pratique pour temps incertains. Il est de ceux qui poussent à « sortir de la frénésie consumériste » ,à « passer du toujours plus au mieux-être, de la compétition à la collaboration ». Il prépare d’ailleurs, avec Nicolas
Hulot, un ouvrage spécifique sur ce sujet. En attendant, il glisse quelques clés pour vivre heureux en chevauchant les cahots du monde. Il développe d’abondance le concept de résilience, de la formule nietzschéenne «Cequineme tue pas me rend plus fort » au livre signature de Boris Cyrulnik, Un merveilleux malheur. En chinois, note-t-il, le mot crise vaut à la fois pour danger et opportunité. Il incite à l’humour, pour « mettre le tragique à distance », à l’instar des réseaux sociaux durant la crise sanitaire. Il vante le taoïsme et son lâcher-prise, l’adaptation en souplesse au charivari de la vie. Il évoque, en outre, le lien étroit entre le système immunitaire et l’équilibre émotionnel : « Je m’efforce d’être heureux, parce qu’il paraît que c’est bon pour la santé ! », positivait Voltaire. Lenoir exhorte à prendre le temps de faire une chose à la fois, à savourer l’instant, pour réduire une dispersion qui exacerbe l’anxiété par un déséquilibre biochimique. A bâtir, en fait, la « citadelle intérieure » préconisée par Marc Aurèle. Il revient, pour cela, à chacun de donner non un sens à la vie – ça n’a pas de sens, aurait dit Devos –, mais « du sens à sa propre vie »… « Nous ne naissons pas libres, nous le devenons », écrit Frédéric Lenoir. Son livre invite à grandir ; à prendre la mesure de nos joies comme M. Jourdain s’ébaubit de faire de la prose. En arrêtant, au passage, de focaliser sur la mort. Tel Montaigne qui, après avoir longtemps pensé que philosopher apprenait à mourir, ne s’en préoccupa plus. Pour vivre pleinement.