Pierre-Jean Rey les yeux dans les yeux
La Maison de la photographie à Toulon accueille, jusqu’au 26 septembre, une rétrospective consacrée à celui qui, de la photo de mode aux clichés du monde, fait parler les regards.
Àl’étage, elles feraient presque baisser les yeux, ces héroïnes de la mode dont Pierre-Jean Rey a su capturer le regard. La discrète Jane Birkin, le top Rosemary McGrotha, « une personne fantastique. Sublime ». « Toutes celles que j’ai mises là sont des femmes très intéressantes... », se souvient le photographe. Devant ses clichés, Pierre-Jean (se) raconte. L’égérie de Dessange dans les années quatre-vingt, plus loin Heather Stewart-Whyte (ex-femme de Yannick Noah), les campagnes de mode, pour Chacok à l’opéra de Toulon – « cela a fait de moi leur photographe officiel » – le noir et blanc qui sublime l’eau pour un maillot de Dior Croisière, le sourire à la vie pour René Derhy... À la Maison de la photographie à Toulon, Pierre-Jean Rey a remonté le fil de presque cinquante ans de carrière. Baptisée Un monde si fragile, sa rétrospective nous fait voyager entre les deux rives de sa carrière, prolixe. Les yeux dans les yeux. Normal : Pierre-Jean Rey, c’est d’abord un regard sur le monde qui l’entoure. Depuis ses premiers tranches de vie photographiques, inscrites sous l’influence de Denis Brihat, Jean-Pierre Sudre et Yann Dieuzaide, « des photographes extraordinaires ». Il a alors 23 ans. « Ils m’ont bien influencé d’ailleurs, au début, dans des contextes totalement différents. » Il deviendra même l’assistant de Denis Brihat plus tard, et travaille quelque temps dans l’esprit de son mentor, sur des tirages argentiques, utilisant des techniques chimiques « qui permettent de transformer l’argent, comme le mordançage ». Certains tirages sont d’ailleurs affichés, dès l’entrée à droite, au rez-dechaussée.
Fondateur du studio photo Baobab
Puis l’artiste réalisera une série sur les bateaux (les 12 mJI du baron Bich, engagés pour la coupe de l’America) qui s’entraînaient dans la rade d’Hyères, « vendus au baron Bich d’ailleurs », des tirages uniques, quelques expos et le voilà professeur aux Beaux-Arts de Toulon. « Et puis, j’ai rencontré la mère de mes enfants, elle était mannequin. » Neuf ans de vie et deux enfants, et une plongée dans la photo de mode. Vingt ans de sa vie, marquée par la création du studio photo Baobab.
À Toulon d’abord, puis à Paris. «Et là, je me suis aperçu que je faisais de moins en moins de photos. » Plusieurs projets, sur lesquels il collabore, le convainquent de tout lâcher pour renouer avec le monde, plonger dans le réel. Parmi ceux-ci, sa collaboration avec Bernard Giraudeau – dont le regard vous suit dans cette expo – sur le documentaire La Transamazonienne [« Bernard m’a trouvé parce que j’avais monté une agence de photos au Brésil, les mannequins Élite y étaient deux fois moins chers, les lieux étaient fantastiques... »], ou le projet « Petits d’hommes » pour l’Unicef. Le photographe saisit l’instant. De l’attitude au (x) regards. Ce jeune chercheur d’or dans les mines de Serra Pelada au Brésil, aux (faux) airs de Peter Pan, ce Petit Prince du désert marocain un soir de pleine lune, ou encore ce caïd en culottes courtes, dont le regard se perd dans la cruauté de sa vie... Le jeune enfant enfin, dont le regard trahit l’inquiétude. Souvenirs d’humanité en friches qui contrastent avec le glamour de l’étage mais qui disent tellement de lui, l’homme derrière l’objectif. Aujourd’hui, PierreJean Rey dirige la Galerie 15, rue des Arts, à Toulon. La suite logique de son travail : communiquer aux autres, et créer des rencontres autour des photographes.
« Maintenant, je fais des photos dans ma tête, et sans appareil. »
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