Nice-Matin (Cannes)

Sans solution, elles vivent dans leur voiture depuis un an

L’une est chauffeur VTC, l’autre travaille dans un Ehpad. Pourtant, ces deux amies sont sans logement depuis juillet 2019. Le moral en berne, en pleine canicule, leur situation s’aggrave...

- P. F. pfiandino@nicematin.fr

Depuis notre arrivée, en juillet 2019, nous avons vécu deux mois dans un gîte, à Mouans-Sartoux. Le reste du temps, on l’a passé dans la voiture. » Si Michèle et Nicole (1) parlent au passé, c’est bien du présent qu’il s’agit. Regards embués, les deux amies, originaire­s de Marseille – « on se connaît depuis toujours, on est comme des cousines éloignées » – apparaisse­nt, clairement, « à bout de nerfs. » Retour dans le Sud, après avoir vécu quelques années dans le Nord, en forme de descente en enfer.

« Dès que l’on est arrivé, on a contacté la mairie d’Antibes pour un logement social, sans succès. Puis, pour trouver du travail, on a essaimé un peu partout » relate Michèle, qui prend, alors, une activité de chauffeur VTC. Direction Mouans-Sartoux. Deux mois durant, Nicole est embauchée à l’Ehpad Les Aquarelles. « J’ai fini par craquer, avoue-t-elle, regard dans le vague. Vous savez, dormir dans la voiture, ça finit par vous taper sur le système...» Michèle reprend : « On a cherché un logement d’urgence mais on nous a dit qu’il n’y avait de place nulle part. Il y a deux semaines, la Ville nous a offerts trois nuits à l’hôtel, mais on nous a dit que, désormais, nous dépendions de Grasse. » Depuis un mois, sa voiture est, ainsi, en panne, à l’arrêt sur un parking, dans le quartier du Plan. Et Nicole a retrouvé un emploi de femme de ménage dans un établissem­ent de la cité des parfums, l’Ehpad Sophie.

« On n’arrive pas à se redresser...»

Pour la recherche de logement, par contre, les deux femmes restent au point mort. « On a visité un studio, dans le cadre des logements d’urgence, sur l’avenue Jean XXIII. Mais il me manque la fiche d’imposition 2019 et ça complique tout. On devait être contactées par le CCAS de Grasse (2) mais l’on n’a pas de nouvelles... » se lamente Michèle.

Un engrenage, qui, selon elles, prend une tournure de plus en plus dramatique... «On vit avec un seul salaire et vivre dehors coûte cher. On n’arrive pas à se redresser... On est des bosseuses et là, on se sent humiliées par la situation. On n’ose même pas en parler à nos proches, on leur dit que tout va bien...»

Avec la crise sanitaire et la panne, Michèle assure ne pas avoir pu travailler depuis cinq mois ; Nicole, elle, doit boucler à pied, chaque matin et chaque soir, les 3 km qui séparent la voiture de son lieu de travail. Travail grâce auquel elle parvient encore à tenir : « Je suis bien là-bas ; la directrice et le personnel sont vraiment adorables. Mais je suis sur un remplaceme­nt jusqu’en décembre seulement. Après...» Diabétique, Michèle ne peut, en effet, plus faire ses piqûres d’insuline : « Il faut les conserver au frais et là... Je prends juste un médicament mais les effets de la maladie se font sentir, j’ai une perte de sensibilit­é dans plusieurs doigts. »

« Si l’on pouvait juste nous aider à réparer la voiture...»

Après avoir passé l’hiver dans l’habitacle, elles y subissent, désormais, la canicule. Chaleur, fatigue, résignatio­n et sentiment d’insécurité : dangereux cocktail, d’autant que les amies « n’ont plus vingt ans [60 et 54 ans]. »

Leur lueur d’espoir : faire réparer le moteur du véhicule, outil de travail de Michèle. « On n’a pas les moyens de le faire mais si un mécanicien ou juste un bon Samaritain pouvait nous aider... Je pourrais retravaill­er et, alors, je suis sûre qu’on arriverait à trouver un logement et à redresser la pente. Sans cela et si rien ne bouge, on ne tiendra pas encore longtemps...»

1. À leur demande, les prénoms ont été changés.

2. Contacté, le CCAS de Grasse nous a répondu que le dossier était soumis « au secret profession­nel » et que les deux dames pouvaient « venir directemen­t dans les locaux [42 bd Victor Hugo] pour être reçues. » Le CCAS de Mouans-Sartoux n’a, pour sa part, pas pu nous renseigner, expliquant que le dossier avait été suivi par la directrice du centre, actuelleme­nt en vacances.

 ?? (Photo Sébastien Botella) ?? Réfugiées sur un parking du Plan dont elles préfèrent taire le nom, de peur « de se faire déloger », les deux femmes attendent désespérém­ent de retrouver un logement et ainsi reprendre le cours d’une « existence normale. »
(Photo Sébastien Botella) Réfugiées sur un parking du Plan dont elles préfèrent taire le nom, de peur « de se faire déloger », les deux femmes attendent désespérém­ent de retrouver un logement et ainsi reprendre le cours d’une « existence normale. »

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