L’agonie d’Alain Cocq relance le débat sur la fin de vie
Ce quinquagénaire atteint d’une maladie incurable, qui a demandé en vain qu’on l’aide à abréger ses souffrances, a décidé de se laisser mourir en se filmant en direct. Facebook a stoppé la vidéo
Atteint d’une maladie incurable qui le cloue au lit depuis des années, et militant d’une mort digne, Alain Cocq a commencé hier à se laisser mourir. Mais, contrairement à ce qu’il souhaitait, dans le but espéré de faire évoluer la législation sur la fin de vie, il n’a pu retransmettre en direct son agonie sur Facebook. Le réseau social a en effet annoncé à la mijournée avoir bloqué la diffusion vidéo de ses derniers moments.
« La délivrance commence »
« Bien que nous respections sa décision de vouloir attirer l’attention sur cette question complexe, sur la base de conseils d’experts, nous avons pris des mesures pour empêcher la diffusion en direct sur le compte d’Alain, car nos règles ne permettent pas la représentation de tentatives de suicide », a déclaré un porte-parole du géant américain.
Dans la nuit de vendredi à samedi, Alain Cocq avait annoncé dans une vidéo avoir cessé son traitement et toute alimentation et hydratation, faute d’avoir obtenu du président de la République une injection de barbituriques « à titre compassionnel » pour abréger ses souffrances, comme cela est possible en Suisse. « Le chemin de la délivrance commence et, croyez-moi, j’en suis heureux », a-t-il déclaré. En « phase terminale depuis 34 ans », comme il le dit, ce Dijonnais de 57 ans souffre d’une maladie extrêmement rare qui bloque ses artères (lire ci-contre). Il dit avoir subi neuf opérations en quatre ans, sans effet.
« Ce n’est pas un suicide » ,a précisé le malade, rappelant qu’il est catholique. «Je suis dans le cas prévu par la loi où un patient peut arrêter son traitement », affirme-t-il, disant que, dans ces cas-là, le décès suit « dans les deux à cinq, voire sept jours ». « Moi, avec mon état, ça risque d’être rapide. »
« Entrave à la liberté d’expression »
Quelques heures plus tard, alors qu’il allait poster une nouvelle vidéo, il a annoncé que « Facebook [lui] bloque la diffusion vidéo jusqu’au 8 septembre. » « À vous de jouer », a-t-il lancé à l’intention de ses soutiens, avant de donner l’adresse de Facebook France à Paris pour « faire savoir ce que vous pensez de ces méthodes d’entrave à la liberté d’expression. » « Un système de repli sera actif d’ici 24 heures » pour diffuser des vidéos, a-t-il assuré.
Régulièrement critiqué pour laisser diffuser des contenus haineux ou choquants, Facebook a des règles détaillées. Si elles ne prévoient pas de dispositions spécifiques concernant la fin de vie, elles sont en revanche très strictes concernant les contenus qui peuvent s’apparenter à une promotion du suicide ou de l’automutilation. Des cas qui englobent l’euthanasie ou le suicide assisté. De nombreux internautes ont apporté leur soutien au malade. « La loi Cocq arrivera, j’en suis sûre », a écrit l’une d’entre elles, persuadée que son action permettra une évolution de la loi Claeys-Léonetti de 2016, qui autorise la sédation profonde, mais seulement pour les personnes dont le pronostic vital est engagé « à court terme ».
Le cas d’Alain Cocq vient ainsi relancer les controverses sur la fin de vie, dont la dernière en date, et la plus vive, avait concerné Vincent Lambert, cet infirmier en état végétatif depuis 2008, finalement décédé le 11 juillet 2019 après une sédation profonde voulue par son épouse et son neveu François, mais à laquelle ses parents étaient opposés. L’affaire avait donné lieu à un feuilleton médiatico-judiciaire ayant duré pas moins de six ans.