Un samedi « gilets jaunes » contre les taxes et le masque
On les avait un peu oubliés avec la Covid-19, mais ils n’ont pas baissé les bras et se rassemblent ce samedi, notamment à Paris et à Nice. Trois « gilets jaunes » de la première heure témoignent
Ils espèrent une démonstration de force. Pour avancer musclés, mais pas masqués. Les « gilets jaunes » sont de retour, et avec eux des revendications variées. Un vrai « fourre-tout », regrettent certains pionniers en s’étonnant de l’hostilité à la plus visible des mesures anti-Covid. Le mouvement a-t-il toujours de la densité et un avenir ? L’usure a-t-elle eu raison de la motivation ? Réponse à partir de 14 h, place de la Libération, à Nice, d’où partira le cortège azuréen, faute d’occupation des rondspoints.
Toutes les infos sur l’organisation du défilé sont sur Facebook. Encore faut-il appartenir au groupe ad hoc pour y avoir accès. Martial, chauffeur poids lourd de 54 ans, longtemps aux avant-postes, est solidaire, mais prudent. Ce qui le gêne ? La défiance : «Ilyaceuxqui sont contre le masque et les autres, dont je fais partie », dit ce « gilet jaune » de la première heure qui, ayant perdu un proche emporté par le virus, se dit surpris. Mais il sait bien que « ça a beaucoup changé, depuis le début ». Pour lui, aujourd’hui, « c’est un peu tout et n’importe quoi » .Au « combat contre les taxes et pour le pouvoir d’achat » se sont ajoutés des griefs contre « les violences policières » et, donc, ce fameux masque. « C’est trop dispersé », regrette Martial qui, sans se dire déçu, a pris du recul, d’autant qu’il va se marier : « J’ai un peu autre chose à penser. » Il sait toutefois que les « gilets jaunes » veulent qu’à Paris, «çabouge» , et se demande si l’occupation de l’espace public reprendra, sur le modèle du rond-point de la Victoire, ça ne s’invente pas, « Mougins-Grasse-Cannes, sortie 42...» En résumé, « s’il n’y a que 50 personnes à la Libé, on sera la risée, s’il y en a 500, l’action pourra redémarrer » .Un seul but, selon lui :
« D’abord s’occuper des personnes en grande difficulté, celles qui ont perdu leur emploi à cause de la pandémie. Aider aussi les sociétés qui risquent de licencier. »
« Tout et n’importe quoi »
Qu’est devenu Mickaël, 34 ans, ce « gilet jaune » qui suscitait la sympathie de ses clients à Cimiez, où il vendait des fruits et des légumes ? « J’ai revendu. Trop de charges et de contraintes, j’ai pété un plomb. Aujourd’hui, je fais la même chose, mais comme salarié, dans la grande distribution. » Il vit à l’est du département. Et ne défilera pas, mais le coeur y est. «Jenepeux pas. J’ai des soucis avec la justice », explique le jeune homme qui dit risquer six mois de prison en raison de ce qu’il avait contribué à mettre en place. En particulier un blocage des camions italiens, au péage de Vintimille. « Je suis fiché. Comme un terroriste. Les Renseignements territoriaux sont venus m’interroger. À chaque fois que je veux entrer à Monaco, je me fais arrêter. Du coup, je lève le pied. » Son bilan ? « Je les soutiens toujours. Surtout pour les retraites, les taxes, les impôts, le pouvoir d’achat. » Mickaël s’est fâché avec son cousin Wielfrid. « Membre fondateur », comme il se décrit, ce dernier a pris du recul. « C’est devenu tout et n’importe quoi » et la présence de Bigard ne l’enchante pas. « Trop célèbre », selon cet entrepreneur qui s’érige en “gilet jaune” capitaliste » se battant « pour les valeurs du peuple ». N’empêche, le masque, il n’en veut pas non plus. « Il n’y a que les docteurs qui passent à la télé qui le préconisent », juget-il. Dans « sa » vallée du Paillon, ce ne serait pas le cas, « il est scientifiquement prouvé que c’est inutile si l’on n’est pas malade », et il constate que « les gamins se font la bise devant le collège, alors franchement, ça sert à quoi?» Lui-même, «en tant que patron », aurait été sollicité pour fournir cet équipement à son personnel. « J’ai dit : pourquoi payer un surplus pour quelque chose que l’État nous impose ? » Au fond, il se tient à l’écart : «Jenesavais même pas que les “gilets jaunes” se réunissaient samedi, je ne suis pas sur les réseaux sociaux, c’est ce qui me sauve la vie. »
« Pas avec les communistes »
Johnny Toulouse est remonté comme une pendule. « Du moment qu’il y a la CGT, je n’ai même pas envie d’en entendre parler. Vous pouvez le marquer, c’est moi qui l’ai dit, on est apolitiques, je ne veux pas me mêler aux communistes. » Voilà qui est carré. Ce qu’il dit aussi, c’est que, « toujours “gilet jaune” » , il est en colère contre les membres du gouvernement : « Ils attaquent les retraités violemment, ils augmentent tout, ils s’en mettent plein les fouilles et on devrait dire amen ? » Avec une pension indigente, selon lui, cet ancien chauffeur routier en veut aux « médias qui ne racontent que des conneries » et se plaint d’avoir dû « payer en plusieurs fois » une intervention vétérinaire sur son chien, mille euros, « ma femme a été opérée, pareil, j’ai été obligé de m’arranger, y’en a marre de cette France de m..., je signe et je persiste ».