Charles et Émile Berling
Les deux comédiens partagent l’affiche des Parents terribles de Cocteau, qui sera présentée à Nice au TNN, à Châteauvallon-Liberté et au théâtre du Gymnase à Marseille.
Même si la ressemblance physique entre ces deuxlà n’est pas flagrante, leurs échanges de regards ne trompent pas : entre Charles Berling et son fils Émile, la complicité est évidente ! Une complicité renforcée par le fait qu’ils se retrouvent réunis sur les planches, dans Les Parents terribles, de Jean Cocteau. Créé en 1938, ce vaudeville met en scène Yvonne, une mère qui idolâtre son fils Michel (Émile Berling) jusqu’à en oublier son mari Georges (Charles Berling). Or le jeune homme est épris de Madeleine, dont on va découvrir qu’elle a déjà un vieil amant avec lequel elle veut rompre et qui n’est autre que Georges ! Quant à Leo, la soeur d’Yvonne, qui dissimule son propre amour pour son beau-frère, elle tente d’ordonner cette tragique comédie de la vie. Porté par les Berling, Muriel Mayette-Holtz, Maria de Medeiros et Lola Creton, ce bijou recèle une mécanique qui pulse une énergie comique redoutable. Interview croisée des Berling père et fils.
Émile, vous aviez déjà interprété en le rôle de Louis aux côtés de votre père au cinéma dans Comme un homme de Safy Nebbou, mais vous n’aviez jamais été réunis au théâtre...
Émile : C’est même la première fois que je fais du théâtre tout court. À mes yeux, ce domaine était réservé à mon père, grandiose sur scène, et j’avais tendance à considérer cet univers comme quelque chose de quasidivin. Les comédiens de théâtre possèdent une autre approche du jeu, assez artisanale. Et je n’ai pas grandi avec mon père, j’ai été élevé par ma mère. Donc c’est une chance formidable de pouvoir travailler avec lui maintenant.
Charles, quel est votre ressenti ?
Charles : C’est une immense joie. Il y a à la fois le plaisir de partager une oeuvre très forte, une histoire qui nous convient à merveille puisqu’il s’agit comme le dit Cocteau d’une ‘‘tragédie en forme de comédie’’, d’une situation entre le père et le fils pour le moins scabreuse. D’avoir la chance de pouvoir mêler la réalité et la fiction, de pouvoir s’amuser de la relation qu’on a père-fils c’est jubilatoire. Ça nous a apporté une connivence supplémentaire. Il y a beaucoup de familles comme ça, que ce soit de luthiers ou de boulangers qui partagent une même passion et qui peuvent travailler ensemble.
Qui a initié ce projet ?
Émile : Au départ, Charles devait déjà le faire. Il m’a invité à lire le texte de la pièce, j’ai trouvé ça génial. J’ai rencontré Christophe Perton, le metteur en scène, on a fait quatre séances de travail, il m’a dit que je correspondais au rôle, j’étais ravi.
Charles : Dès qu’il a lu la pièce, j’ai senti chez Émile un profond désir de la jouer. Finalement, le théâtre est un art qui est contraignant, il faut avoir une véritable envie de le faire sinon on se met à le subir. Donc là on un bon exemple d’une alchimie et depuis le début des répétitions ça s’est avéré être un pari juste. Évidemment il y a les risques que les fondements même de la réalité de notre relation se mettent à devenir des sources de blocage, mais ce n’est pas le cas. Sans doute parce qu’Émile fait sa vie ailleurs de façon autonome.
Émile, qu’est-ce qui vous a intéressé dans le rôle de Michel ?
Émile : Ce que j’aime chez Michel, c’est qu’il a ce côté très naïf, il a tellement été protégé qu’il a un rapport à la vie émerveillé en permanence. C’est très beau de jouer ça parce que ça me sort complètement de moi. Même s’il appelle sa mère Sophie, et que la mienne s’appelle réellement comme ça !
Charles : Le personnage de Michel est remarquablement écrit pour exprimer la candeur, la pureté d’un jeune homme solaire. Cocteau est puissant car il ose l’ingénuité dans cette pièce, ce qui peut faire du bien en cette période cynique et désabusée.
Vous êtes également très bien entourés sur scène ?
Charles : Le fait que Muriel Mayette-Holtz revienne à la scène en tant qu’actrice dans un rôle extrêmement beau a été déterminant dans mon engouement pour ce projet, car c’est une immense comédienne. Muriel a été sur scène une mère idéale pour Émile, et Maria une tante très intéressante. Nous avons formé tous ensemble un quintet détonnant par sa complémentarité.
Charles, en tant que directeur de la scène nationale ChâteauvallonLiberté, comment s’est déroulé votre été ?
Charles : Nous avons dès la fin du confinement cherché à faire repartir l’activité, soutenir les compagnies, remplir les missions qui nous sont attribuées. On a recommencé les résidences, on a pu jouer en plein air devant deux cents ou trois cents personnes. J’ai joué cet été à Ramatuelle, à Nancy, à Arles, avec de la distanciation physique, avec des publics moindres. J’ai trouvé aussi le moyen de faire vivre l’art en ville avec des installations qui ne nécessitent pas de rassemblements tout en pratiquant notre art.
Une mission essentielle ?
Charles : Dans une société technique, bourrée d’écrans, la nécessité du spectacle vivant, d’un lieu de convivialité, de trouver ensemble une façon d’exister plutôt que de rester sur son canapé et de zapper sur sa télécommande est une composante de l’humain qui reste à mes yeux fondamentale. Et c’est beau pour moi de voir Émile qui est d’une autre génération que la mienne s’emparer de cette langue. On voit que c’est non seulement possible mais qu’il y a une transmission.
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Ça nous a apporté une connivence supplémentaire”
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Une composante de l’humain fondamentale”
de Jean Cocteau.
◗ Au TNN : mardi 29 septembre à 20 h, mercredi 30 septembre à 20 h, jeudi 1er octobre à 19 h 30, vendredi 2 octobre à 20 h, et samedi 3 octobre à 15 h Tarifs : de 10 à 20 €.Rens.04.93.13.90.90.www.tnn.fr ◗ Scène nationale Châteauvallon-Liberté : mercredi 7 octobre 20 h 30, jeudi 8 octobre à 20 h 30, vendredi 9 octobre à 20 h 30, samedi 10 octobre à 20 h 30. Tarifs : de 5 à 29 €. Rens. 04.98.00.56.76. www.chateauvallon-liberte.fr
◗ Théâtre du Gymnase à Marseille. Jeudi 15 octobre à 20 h, vendredi 16 octobre à 20 h, samedi 17 octobre à15hetà20h.Tarifs:de9à36 €.
Rens. 04.91.24. 35.24. www.lestheatres.net