Le patron des banquiers et la finance bienveillante
Philippe Brassac prend la présidence de la Fédération bancaire française. Ancien DG de la banque mutualiste azuréenne et actuel DG de Crédit Agricole SA, il parle finance, crise et relance
Rentré au Crédit Agricole en 1982, Philippe Brassac n’a plus jamais quitté la banque verte. Il a gravi les échelons un à un jusqu’à prendre la direction générale du groupe Crédit Agricole SA en 2015. Aujourd’hui, il attaque une mandature d’un an à la présidence de la Fédération bancaire française (FBF) et devient donc le porte-parole des banquiers. Nîmois de naissance, sa résidence principale est à Paris, il concède que « son coeur est dans les Alpes-Maritimes », ayant dirigé le Crédit Agricole Provence Côte d’Azur pendant quatorze ans. Nous avons profité de sa nomination à la FBF pour l’interroger sur le climat économique et financier actuel. Entretien avec un homme qui incarne « la finance utile ».
Depuis le er septembre, vous présidez la Fédération bancaire française, un poste que vous avez déjà occupé en . Une feuille de route ?
A la présidence FBF, le principe est celui de l’alternance entre banques mutualistes et non mutualistes. Une alternance pas strictement statutaire mais toujours respectée. Cette nomination fait suite à un vote du comité exécutif et la feuille de route n’est pas figée, car ce n’est pas un poste de pouvoir mais de responsabilités à assumer. Le président représente le comité exécutif en termes de de communication ou de rencontres.
Le plan de relance du gouvernement est-il suffisant pour aider nos entreprises ?
Je réponds avec ma double casquette FBF et Crédit Agricole : Clairement, oui. Il est dans le bon tempo : le confinement a fait chuter lourdement le PIB. Le rebond d’activité en juin-juillet a ensuite été bon. En août, la croissance économique a commencé à plafonner. Ce plan, annoncé le septembre, était donc bienvenu. Il a apporté un second souffle. Ensuite, c’est un plan massif. Mds€ avec un effet d’escompte de Mds€ supplémentaires s’il parvient à mobiliser l’épargne des ménages accumulée par prudence pendant le confinement. Enfin, ce plan est orientateur : il va permettre d’agir dans nombre de domaines (bâtiment, énergie...) de façon plus rapide. Ce qui peut induire une impulsion nouvelle.
On parle de Mds€ de prêts garantis par l’Etat (PGE) accordés en France. Les entreprises pourront-elles rembourser ?
Mds€ en France et , Mds€ en PACA (dont environ Mds accordés par le groupe Crédit Agricole*). Ces prêts sont distribués à prix coûtant, sans marge pour la banque. Leur coût est donc essentiellement constitué de la garantie de l’Etat (le taux pour l’emprunteur TPE ou PME pourrait s’établir entre et ,% par an, garantie d’Etat comprise, l’emprunteur ayant le choix de rembourser au bout d’un an ou d’amortir sur un maximum de années supplémentaires). À cette mesure se sont ajoutés de nombreux reports d’échéance de mois : à Mds€ d’échéances reportées en ce qui concerne le Crédit Agricole. Et surtout, en France, le modèle bancaire est celui de la relation : le chargé de compte décide avec son client des solutions personnalisées les plus appropriées.
Ces PGE constituent-ils un risque pour les banques ?
Oui, bien sûr. % ne sont pas garantis, soit ou Mds€ au total. Mais risqué ou non, il aurait été contre-productif de ne pas créer ce pont de trésorerie qui permet aux entreprises qui allaient bien avant la crise de pouvoir surmonter les pertes de revenus.
Toute une carrière au Crédit Agricole, une seconde présidence de la FBF, deux décorations honorifiques, une ceinture noire de judo, qu’est-ce qui vous fait encore lever le matin ?
L’espoir d’être utile. A la fois dans les actes quotidiens de la banque mais aussi la volonté de participer au meilleur pilotage possible des dispositifs au niveau national. En cette période, on se lève surtout avec le sentiment d’un devoir à accomplir. Parce que l’économie en a besoin. Une idée peut-être naïve, parfois récompensée et parfois non reconnue. Mais je le fais avec ce que mon parcours de judoka m’a transmis : respect des partenaires et discipline. Pour donner le meilleur avec beaucoup de bienveillance.