Nice-Matin (Cannes)

Le square Charles-Pasqua fait débat

Décédé en 2015, l’ancien ministre de l’Intérieur aura bientôt un square à son nom à St-Jacques. Et ça a fait grand bruit, hier, au conseil municipal, où une partie de l’opposition s’est indignée

- P. F. pfiandino@nicematin.fr

Ce qui s’appelle remettre une pièce dans la machine... Réunis à huis clos, hier au palais des Congrès, les élus devaient se prononcer sur le « baptême » du square de la Chênaie au nom de Charles Pasqua. Et, sans surprise, comme il y a quatre ans dans cette même enceinte, le débat a été à l’image de l’ancien Ministre de l’Intérieur (1986-1988 et 1993-1995) : clivant.

Pour le maire, Jérôme Viaud, il s’agit de « rendre hommage et apporter de la fierté aux Grassois qui [l’ont] connu, lui qui est né [le 18 avril 1927] et est enterré ici. Lui qui, avec le tempéramen­t que nous lui savons, a marqué la vie politique nationale et était tant attaché au quartier de Saint-Jacques. »

Le premier à bondir ? Paul Euzière. Rappelant la « délibérati­on dans le même sens du 13 décembre 2016 » que le 1er magistrat avait eu « la sagesse de retirer à la suite des réactions du conseil municipal », l’élu d’opposition fustige : « Vous revenez à la charge, un peu sourd et aveugle aux arguments alors présentés. » Les siens ? «On ne peut attribuer le nom d’un lieu public en fonction des amitiés ou impératifs politiques. Ce serait dévalorise­r les hommages et donner une piètre image de notre ville...»

«Ce serait un exemple désastreux »

En dépit des racines locales de Charles Pasqua, le président du groupe Gatea rappelle qu’il a fait « toute sa carrière politique dans les Hauts-de-Seine, où il a résidé jusqu’à sa mort. » Ensuite ? «Ilest l’un des fondateurs et vice-président du SAC, le service d’action civique (1), qui est de sinistre mémoire. » Puis, il y a les affaires « politico-financière­s » ,oùilaété mis en cause au coeur des années 2000.

« Il a été condamné deux fois à de la prison avec sursis : dans l’affaire de la Sofremi [société française d’exportatio­n de matériels, systèmes et services, relevant du ministère de l’Intérieur] et celle du casino d’Annemasse. » D’ailleurs, en 2016, « à part dans une seule commune [Plessis-Robinson], aucune voie ou place des Hauts-de-Seine, où il a tant oeuvré, n’était baptisée Charles-Pasqua et il n’y a rien de plus depuis. » Question de « bon sens ou de simple morale publique. » Moralité : « Il serait désastreux de donner en exemple des élus condamnés par la justice de la République. »

Une longue saillie, suivie par celle de Jean-Paul Camerano ? Pas vraiment, non... L’opposant indique, lui, qu’il va voter pour. « Avec plaisir » et « des deux mains. » Évoquant une carrière avec «des zones d’ombre mais aussi d’éclaircie », il garde l’image « d’un ministre de l’Intérieur qui a eu le courage de ses opinions, contrairem­ent à certains...»; d’un Grassois «qui s’était engagé à déclarer Plascassie­r commune indépendan­te en 1986. »

« On se jumelle avec Levallois-Perret ? »

Opinion aux antipodes de celle de Myriam Lazreug, incisive. L’élue d’opposition, se questionna­nt sur « les actes de Charles Pasqua qui ont contribué au rayonnemen­t de Grasse » assène, avec force détails, en référence à la tuerie d’Auriol (2) : « Vous avez demandé l’avis de la seule survivante des Massié ? Il était vice-président du SAC, qui a assassiné une famille entière, dont un petit garçon de 7 ans qui a été étranglé et, parce que sa mort ne venait pas assez vite, massacré à coups de tisonnier...» A Jérôme Viaud : « Si c’est l’exemple que vous voulez donner aux Grassois, ce sera à votre déshonneur. » Sans sourciller, le maire répète : « Beaucoup de Grassois sont attachés et ont de l’admiration pour ce ministre de l’Intérieur, cette personnali­té de la Résistance. » Le retrait de la délibérati­on en 2016 ? « Nous devions nous concerter à ce sujet et il l’a été mûrement, à l’unanimité. »

Fin du débat, place au vote (3) ? Conseiller municipal de la majorité, Franck Barbey précise, d’abord : « Ce n’est pas une ville qui l’a honoré, mais trois : PlessisRob­inson, Levallois et Nice. » Réplique d’un Paul Euzière goguenard : « Ah, Levallois-Perret ? C’est une référence, effectivem­ent... On pourrait proposer une avenue Balkany. On se jumelle avec Levallois-Perret ? »

1. Le SAC était, dès 1960, une associatio­n au service du général de Gaulle puis de ses successeur­s gaullistes. Mis en cause dans plusieurs affaires, il sera dissous par le gouverneme­nt le 3 août 1982, à la suite de la tuerie d’Auriol.

2. Assassinat de six personnes dans la nuit du 18 au 19 juillet 1981 à Auriol (Bouches-du-Rhône) dans la bastide familiale de Jacques Massié, chef de la section locale du SAC de Marseille.

3. Délibérati­on adoptée à la majorité, les membres de Gatea (Paul Euzière,NoraAddad,Magali Conesa et Philippe-Emmanuel de Fontmichel) Myriam Lazreug et Stéphane Cassarini ayant, eux, voté contre.

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C’est à la Chênaie que l’on retrouvera prochainem­ent le « Square Charles-Pasqua ». Une dénominati­on qui a suscité un vif débat, hier, au palais des Congrès. (Photos Maxime Rovello et DR)

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