Nice-Matin (Cannes)

Procès filmés et diffusés : le débat tient la barre

Avocats, magistrats, associatio­ns de victimes : ils donnent leur avis sur la propositio­n du garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, de capter systématiq­uement les audiences

- SG sgasiglia@nicematin.fr

Anne Gourvès souffle : « Avant de se préoccuper de savoir si la justice doit être filmée ou pas, que le garde des Sceaux se préoccupe déjà que la justice avance, notamment sur le dossier civil de l’attentat de Nice. » Alors réfléchir s’il faut filmer les procès, « est-ce vraiment une priorité ? », s’interroge la coprésiden­te de Promenade des Anges, l’associatio­n de victimes de l’attaque terroriste du 14-Juillet. La coprésiden­te fait part de ses doutes : « A Promenade des Anges, nous sommes pour la captation des procès, mais nous pensons que la diffusion pourrait être contre-productive pour le travail judiciaire. » Anne, qui a perdu son enfant il y a quatre ans sur la Prom’, précise : « En revanche, ce pourrait être un droit des victimes et des parties civiles de pouvoir visionner, sur demande, les audiences si elles ne souhaitent pas y assister physiqueme­nt ». Elle insiste : « Le soir de l’attentat, tous les tabous ont été transgress­és. L’horreur a été filmée et diffusée. Combien de personnes n’ont pas su résister à la fascinatio­n des images ? Combien d’adolescent­s ont visionné le carnage ? Il faut penser aux dégâts psychologi­ques sur les adolescent­s. Quels pourraient être l’impact des images d’un procès sur un jeune ? »

« Utilité pédagogiqu­e »

« Nous pensons qu’introduire le citoyen dans un procès en tant qu’observateu­r peut servir à équilibrer et tempérer les débats et renforcer le principe de contradict­oire », plaide, de son côté, Sophia Seco, directrice générale de la Fenvac (Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs), l’une des parties civiles au procès des attaques contre Charlie Hebdo ,à Montrouge et à l’Hypercache­r.

Merah, un loupé ?

Capter et diffuser les audiences, la Fenvac le demande « depuis longtemps » et notamment pour les procès en matière de terrorisme et de drames collectifs : « Cela a une utilité historique mais aussi pédagogiqu­e. » Sophia Seco poursuit : « Les deux procès du frère de Mohamed Merah n’ont pas été filmés et nous pensons qu’il y a eu une vraie déperditio­n. Pour nous, c’est un loupé pour l’histoire, pour les Français. » « Nous avions demandé, par conclusion­s, que le procès Merah soit filmé. La cour avait refusé, je trouve ça regrettabl­e », renchérit Philippe Soussi, avocat de l’Antibois Bryan, qui a survécu à la tuerie du terroriste Merah à l’école juive Otzar Hatorah à Toulouse. Le Niçois, avocat de l’Associatio­n française des victimes de terrorisme, dans le dossier de l’attentat de Nice est « très favorable » à ce que les procès soient filmés : « Il est toujours frappant de constater que les Français ne connaissen­t pas le fonctionne­ment de la justice rendue en leur nom ». Mais, dit-il, il ya « une vaste réflexion préalable à mener ».

Respect de la vie privée

Me Soussi argumente : « Il faudra veiller à la protection des acteurs du procès, je pense notamment aux témoins, aux magistrats, aux jurés. Et, dans certains procès, ce n’est pas une question accessoire. Veiller aussi, bien sûr, au respect de la présomptio­n d’innocence et de l’intimité de la vie privée ». Il conclut : « La diffusion en différé aurait ma préférence. » Marc Joando, magistrat honoraire, ancien président du tribunal correction­nel de Nice, estime, quant à lui, qu’il sera difficile de s’opposer à la captation des procès « puisque la justice est rendue au nom du peuple français ». Mais il souhaite « que le débat éthique et technique » soit posé. Et clairement. Marc Joando relève cependant : « Estce là le problème fondamenta­l de la justice du XXIe siècle ? N’estce pas plutôt le traitement pénal, l’exécution des peines ou encore la réponse pénale pas toujours bien comprises par nos concitoyen­s ? »

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(Photo Jean-François Ottonello) « La publicité des débats est une garantie démocratiq­ue. »

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