Nice-Matin (Cannes)

Antoine Demor anticipe notre avenir au présent

Avec son seul en scène La Stratégie de l’abeille, le comédien invite le futur sur les planches. Création à découvrir de demain à samedi sur la scène du théâtre Le Tribunal

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Une deuxième première. Avec seulement une vingtaine de dates derrière elle, la création d’Antoine Demor reprend la route à Antibes. Dès demain, La stratégie de l’abeille invite le futur proche sur la scène du théâtre Le Tribunal.

Comment est né ce spectacle ?

Né d’un tournant, d’un intérêt personnel pour d’autres lectures, d’autres sujets. Cela paraît de plus en plus banal et tant mieux d’ailleurs, mais je me suis intéressé à la prise de recul face à la frénésie dans laquelle nous vivons, consommons. Quand je suis arrivé à une quinzaine de bouquins sur ce sujet…

Vous vous êtes dit qu’il y avait matière à faire un spectacle !

On fait un premier spectacle qu’il ne faut pas renier, mais d’autres envies naissent, il y a d’autres choses qu’on a envie de raconter. L’idée de « rire mais pas seulement » se dessinait déjà dans le premier. Le côté vanne calibrée toutes les trente secondes, ce n’est pas mon truc. Concernant le seul en scène j’avais envie de m’assumer davantage comme comédien – même si l’on en interprète un dans le stand-up ce n’est pas la même chose. Travailler différents personnage­s c’est une sorte de marathon. J’ai également travaillé sur le corps avec des moments chorégraph­iques créés par Audrey Laurent.

Vous incarnez Loïc : quel genre d’homme est-il ?

Assez lambda, il bosse dans le marketing à Paris, il mène la même vie que beaucoup d’entre nous : métro boulot dodo. Mais lorsqu’un accident va lui tomber sur le coin du nez, sa perception va radicaleme­nt changer. Il va se demander à quoi bon mener cette vie. Au-delà du fait que le travail nourrisse en remplissan­t le frigo, est-ce qu’il suffit à nourrir sa vie intérieure ? Et là, il se découvre profondéme­nt vide.

C’est terrible…

Assez, oui !

Vous avez touché du doigt cet univers profession­nel ?

Je suis passé par le droit, la science politique, j’ai notamment travaillé comme journalist­e en presse quotidien régionale, j’ai également été éducateur… Au final, j’ai eu la chance de ne pas être dans un bureau contre mon gré. Pour autant, cela n’est pas nécessaire pour connaître l’histoire du burn-out, du surmenage. Pas forcément besoin d’être dans un métier qu’on déteste pour le vivre.

Vous avez frôlé la limite ?

Oui. Comme j’ai l’avantage d’être mon propre artisan, j’ai su remettre un rythme qui me correspond­ait.

Votre création est sous-tirée : théâtre d’anticipati­on humaniste et drolatique. Que cela signifie-t-il ?

Pour l’anticipati­on, on est dans une sorte de science-fiction, on peut y mettre plein de degrés. J’ai mis des accents futuristes à un monde qui ressemble beaucoup au nôtre. Concernant l’humaniste, c’est par ce qu’il ne faut pas plomber les gens non plus. Le côté moralisate­ur, les gens en ont ras le bol. Ce personnage veut juste raconter comment il vit modestemen­t sa situation. Drolatique ? C’est mon ADN d’écrire avec une veine comique, mais là ce n’est pas du one-man-show. Il est question de yoyo des émotions.

Vous avez trouvé des réponses à vos questionne­ments à travers ce spectacle ?

Non ! J’ai entamé ce questionne­ment, je le poursuis sans cesse. Je lis beaucoup, j’ai un attrait profond pour la nature, la cuisine, j’épure plein de choses dans ma vie. Bien sûr le spectacle a été une étape. Vivre de sa passion cela m’aide. J’essaie d’aller encore plus loin dans la compréhens­ion de ce que je veux. Parler du futur c’est chouette, certes, mais cela continue de m’effrayer…

Vous êtes du genre à voir le verre à moitié vide ?

Le spectacle est plus résilient que moi [rires] La fin est ouverte, détient une note optimiste. Là où moi je suis un peu plus réservé.

La scène vous permet d’exorciser tout cela ?

Je ne sais pas si c’est à ce point-là [il souffle]. On écrit à un moment donné sur un spectacle, on fait un bout de route avec. Mais pendant ce temps, la roue a continué de tourner. Le monde va vite, les peurs circulent. Ce spectacle m’a aidé. La culture aide de manière générale. Mon écriture c’est une chose, parfois elle est même source d’angoisse.

Les moments de grâce on les trouve dans les choses artistique­s.

La stratégie de l’abeille, demain et vendredi à 20 h 30, samedi à 18 heures et 20 h 30,au théâtre LeTribunal, 5 place Amiral-Barnaud à Antibes. Tarifs : 12 à 16 euros. 10 euros le jeudi. Rens. 06.43.44.38.21.

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(Photo Étienne Ramousse) Antoine Demor débarque sur la scène du Tribunal dès jeudi.

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