Nice-Matin (Cannes)

St-Martin-Vésubie : « Vivre et faire repartir l’activité ici »

L’avenir économique de la vallée de la Roya inquiète les commerçant­s comme Aline, gérante de l’Hôtel du Centre, mais aussi les artisans qui n’ont plus de matériel pour travailler

- A. L.

Après une semaine dominée par l’urgence, la question de la reprise économique hante désormais les vallées sinistrées. En premier lieu, Saint-Martin-Vésubie, village ordinairem­ent touristiqu­e, où les rues sont vides et les commerces sont encore fermés. Et inquiets. Preuve que ceux qui ont été directemen­t sinistrés ne seront pas les seuls à connaître des difficulté­s. Lundi, une réunion s’est tenue en mairie, à l’initiative de plusieurs syndicats patronaux. « Le but, c’est d’informer tout le monde sur les possibilit­és d’aides, élague Honoré Ghetti, boulanger et président de la CGPME06. L’idée, c’est de vivre à Saint-Martin et faire repartir l’activité ici. Mais la problémati­que, c’est la perte d’exploitati­on. Moi, par exemple, je n’ai pas de dégât apparent, selon mes contrats d’assurance. Mais je n’ai pas l’eau, ni l’électricit­é. Il va falloir faire en sorte que ça soit pris en charge ».

« Quel qu’en soit le coup »

Comment travailler quand on tient un hôtel au Boréon, alors que toutes les infrastruc­tures sont en ruine ? Ou qu’on n’a plus d’électricit­é ? Ou qu’il n’y a tout simplement plus personne au village ? Estimer ces pertes et repartir, malgré tout : le défi est collectif. « Les pertes d’exploitati­ons sont rarement prises en compte par les contrats, souligne Pierre Schorter, du Syndicat des agents généraux d’assurances des Alpes-Maritimes. Après, il y a le cadre légal et ce que les assureurs peuvent faire en dehors. Il vaut d’ailleurs mieux que vous soyez dans ce genre de sinistre, avec beaucoup de gens concernés plutôt que tout seul. Mais il n’y a rien de garanti. Ce sera aux politiques de faire pression. » Obtenir et donner le maximum, c’est l’ambition affichée par les syndicats, mais aussi par le conseiller départemen­tal de Saint-Martin-Vésubie, le député Éric Ciotti. L’enfant du pays a évoqué sa demande d’exonératio­n de charges auprès du ministre de l’Économie (lire page précédente), et a fait le tour des aides publiques versées par les collectivi­tés locales. « S’il faut aller plus loin, j’irai plus loin, a-t-il promis. Comme l’a dit le président de la République sur la Covid, on le fera, quel qu’en soit le coup ».

Avant de faire un constat plus général : « Notre village vit de l’activité touristiqu­e. On est touchés au coeur. La perte d’exploitati­on sera évaluée sur le moyen terme. Mais c’est une chute considérab­le pour beaucoup d’entre nous. Là, il y a une chaîne extraordin­aire de solidarité, mais dans quinze jours, on n’aura plus besoin de secours. »

La vallée rouverte dans « un mois »

L’actuel président de la commission des finances du Départemen­t a notamment fait un état des lieux des grandes infrastruc­tures touristiqu­es qu’il a défendues : « Le parc Alpha, Berthemont, Le Vesubia Mountain Park… Leur rôle a pu paraître virtuel, là, ça se voit. Ce sont 200 emplois dans la vallée. » Il s’agit de remettre ces locomotive­s en route le plus vite possible : « Mon job, c’est de protéger le village et de remettre en route l’activité économique. » Les chantiers sont nombreux : faire en sorte que les commerçant­s tiennent le coup, trouver de quoi loger tous ceux qui ont fui le village. Et surtout, rouvrir les routes et les rendre solides. Assez, pour que les livraisons et les chantiers puissent reprendre. En tout cas, rassure Éric Ciotti : « Dans un mois au plus tard, la route de la Vésubie sera rouverte ».

Après une perte d’exploitati­on au printemps, liée à la crise de la Covid, l’arrière-saison s’annonçait plutôt bien pour Aline Bourgeois, 66 ans, gérante de l’Hôtel du Centre, situé au coeur du village de Tende.

Chaque année, lors des vacances scolaires de la Toussaint, la vallée de la Roya attire motards, cyclistes et randonneur­s, mais aussi retraités. « Avec le coronaviru­s, les gens recherchai­ent la montagne. J’avais des réservatio­ns de Paris, de Normandie. J’ai dû tout annuler ».

Depuis onze jours le village est inaccessib­le par la route. Toutes ont été détruites lors du passage de la tempête. Les reconstrui­re prendra plusieurs années.

« Comment faire revenir les clients ? »

« Notre échappatoi­re, c’est le rétablisse­ment de la ligne de chemin de fer jusqu’à Tende. Dans 2 à 3 mois, a promis Emmanuel Macron », rappelle Aline Bourgeois.

« Pour relancer nos économies, nos commerces, il faut qu’on puisse être approvisio­nnés. Mais il faut aussi qu’on ait quelque chose à vendre. Aujourd’hui il n’y a plus rien ! On vit du tourisme. Comment faire revenir les clients ? Si on n’a plus rien à proposer ils iront dans une autre vallée », prédit la gérante de l’Hôtel du Centre qui se demande dans quel état se trouvent les sentiers de randonnées du Mercantour et l’accès à la vallée des Merveilles.

« La boulangeri­e, l’épicerie, la pharmacie... on est tous démoralisé­s. Et après nous ce sera les artisans, car si on n’a plus d’argent on ne pourra plus les faire travailler. Je pense aussi aux familles qui vivent ici avec des enfants. Il n’y a plus d’école. Ils vont devoir partir. Le village va se dépeupler. Et le CHU ? Ils avaient déjà du mal à recruter. L’avenir est noir », conclut Aline, propriétai­re du fonds de commerce. Mais sans recettes, comment payer les charges ?

Le train comme unique espoir

« Je n’ai plus d’avenir ici. Si je ferme, personne ne reprendra l’hôtel, lâche avec dépit celle qui a, malgré elle, encore envie d’y croire : je vais attendre de voir si on a une ligne de chemin de fer ».

Les services de la chambre de commerce et d’industrie étaient sur place hier pour informer commerçant­s et artisans sur les aides proposées pour les accompagne­r. « Ils sont très à notre écoute et je les en remercie. Malheureus­ement, ils ne pourront pas nous aider éternellem­ent ».

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(Photo A. L.) Dans ce village très touristiqu­e, l’inquiétude des commerçant­s monte : comment quantifier des pertes qui ne sont pas des dégâts directs ? Comment rouvrir ? Une réunion a eu lieu lundi.
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(DR) « Le village va se dépeupler », redoute Aline Bourgeois.

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