Dans les pas d’un expert en assurance à Breil-sur-Roya
Dégâts des eaux, cabanon emporté, restaurant ravagé... Immersion avec un expert chargé d’évaluer les dégâts causés par la tempête. Un exercice délicat face à la détresse des sinistrés
Alors là, les deux volets ont lâché. Avec la force du vent, ils ont été emportés ! Après, il y a les fissures qui sont sorties... » Breil-sur-Roya, rue de Turin, avanthier. Stéphane, 63 ans, montre la façade de l’immeuble où sa fille est locataire à Alexis Sauvaire. Cet expert Saretec a été mandaté à cette adresse par la Maif. Sa mission : évaluer les ravages causés par la tempête Alex. Il vient de ClermontFerrand pour « aider les collègues sur le secteur ». Un secteur où les dégâts sont inouïs.
Cette rue-là est relativement épargnée, et dégagée. Un tas de tuiles évoque la catastrophe. Alexis Sauvaire suit Stéphane dans l’immeuble. Le sexagénaire désigne les marches d’escalier fatiguées, les murs un peu tachés... Mais l’expert en assurance ne s’attarde pas. Pardessus son masque, son regard perplexe laisse entrevoir le verdict : « Bon, zéro. Il n’y a rien ici. » Alexis Sauvaire n’est pas surpris : « Sur 2000 déclarations, il y a 100 dossiers vraiment urgents. » Si cet expert a parcouru 700 kilomètres, c’est bien pour constater les dégâts liés à Alex. Les gros, surtout. Inondations, effondrements, maisons emportées... « Suite à de tels événements, on se déplace chez les gens, pour étudier leur sinistre. Leur montrer qu’on est là, aussi. Le but, c’est d’abord de les accompagner dans la première phase, où ils ont fait la déclaration. » La bonne attitude ? « Beaucoup de pédagogie, d’empathie et d’accompagnement.
Dans ces régions, les gens ont perdu toute leur vie... »
Rendez-vous suivant, pour une autre compagnie d’assurance. Rue Pasteur. Eliane Ercole, 74 ans, et Alain Verlay, 68 ans, avaient trouvé refuge sur la Côte. Ils viennent de regagner leur appartement. Ils constatent les dégâts des eaux – Alex est bien passée par là. Mais leur principale perte est ailleurs.
Documents disparus
Leur cabanon, expliquent les retraités, a été emporté par une coulée de pierres. Et avec lui, tout le matériel (« frigo, réchaud à gaz, barbecue... ») et un pan de terrain. Le couple avait acquis ce cabanon pour 16 000 euros. Il y vivait depuis le confinement. Il l’a quitté deux jours avant la tempête. « Heureusement, qu’on est descendus. On ne serait plus là... »
Comment évaluer ce qui n’est plus ? Exercice délicat. Eliane et Alain n’ont plus les documents requis : tout était dans le cabanon. Mais Alexis Sauvaire se montre compréhensif. « Dans le cadre du sinistre, on comprend tout à fait que les gens n’aient plus les factures ou les photos. Ces déclarations sont cohérentes par rapport au cabanon où vous avez vécu pendant le confinement. On va proposer une prise en charge de ces biens – si le cabanon était bien assuré. »
Cap sur la prochaine visite. Alexis Sauvaire explique le modus operandi d’un expert. « On regarde le secteur pour savoir quel type de dommage on va trouver. Puis les bâtiments aux alentours. Ensuite, on explique aux gens le principe de l’expertise, et on fait un tour de l’habitation. » Sa stratégie, après une tempête : « Commencer par la partie haute, pour voir les infiltrations les plus importantes. »
Pour le coup, le rendez-vous suivant est en sous-sol, chez un restaurateur. Et la visite est éloquente. Place Brancion, à un jet de pierre de la Roya à sec, Le Pressoir n’a même plus son enseigne intacte. Ce restaurant aménagé dans un ancien moulin à huile a été envahi par trois mètres d’eaux boueuses.
Rouvrir, malgré tout
« Là, rien n’a été épargné. Désastre total. Même les portes ont sauté, tout a été arraché », soupire Hervé Pardin, 41 ans. Il a repris l’affaire avec sa compagne en 2017. L’inspection se passe à la lueur d’une lampe torche. Toutes les salles sont souillées, mais dégagées. « Les pompiers ont fait un boulot phénoménal» , salue le restaurateur. Alexis Sauvaire passe tout au peigne fin. Il semble impressionné, par l’atmosphère du lieu autant que par l’ampleur des dégâts. «Ongarantit les pertes d’exploitation. Parfois sur un an, parfois sur deux. La catastrophe naturelle, c’est relié à la garantie incendie du contrat », explique l’expert, pédagogue. Après cette visite, Hervé recevra une deuxième provision de 5000 euros. Se sent-il prêt à rouvrir son restaurant malgré tout ? « Oui, quand même, répond-il à son visiteur. On habite ici. Après, si c’est trop long, il faudra trouver une solution provisoire... »