Nice-Matin (Cannes)

Au procès Charlie, la lettre anonyme le trafic d’armes et l’embrouille familiale

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C’est un courrier anonyme, fin 2017, qui avait mis les enquêteurs sur sa piste : accusé d’avoir fourni des armes à Amédy Coulibaly, Mohamed-Amine Fares a nié, hier, tout lien avec les attentats de janvier 2015, regrettant qu’on lui fasse « porter le chapeau ».

Qui l’a dénoncé et pour quelles raisons ? Mohamed Fares affiche sa perplexité face à la cour d’assises spéciale de Paris. « Franchemen­t, je sais pas, j’ai pas d’éléments à donner... Pour moi, c’est quelqu’un qui essaie de me faire porter le chapeau », avance d’une voix grave l’accusé. « J’ai des hypothèses, peut-être dans le réseau familial .... » Mohamed Fares, 31 ans, est soupçonné d’avoir vendu des pistolets et des fusils d’assaut au tueur de l’Hyper Cacher par le biais d’Amar Ramdani et de Saïd Makhlouf. Le jeune homme, qui encourt 20 ans de réclusion criminelle, conteste tout lien avec le trafic d’armes, assurant avoir vu Ramdani et Makhlouf -- employé par la société d’ambulance de son père -- pour une affaire de stupéfiant­s. Une version fragilisée par les déclaratio­ns de son exbeau frère, Souliman B., qui a évoqué un trafic d’armes entre Fares et des « Parisiens ».

« Il s’est senti trahi »

Face à l’accusé, la cour s’interroge. Pourquoi alors son beau-frère l’a-t-il mis en cause ? Mohamed Fares hésite quelques secondes, puis évoque un différend familial lié à sa rupture avec son ex-épouse religieuse, à l’origine, selon lui, de vives tensions. « Souliman, il m’en veut parce que j’ai laissé tomber » sa soeur « pour aller avec une autre fille », raconte le trentenair­e. «Il n’a jamais accepté ça, il s’est senti trahi. » De là à inventer un lien avec les attentats de janvier 2015 ? Le président Régis de Jorna, qui rappelle les multiples mensonges et les déclaratio­ns contradict­oires de l’accusé durant l’enquête, se dit sceptique : « On ne sait plus quand vous croire, monsieur. » Les mains posées sur le micro, Fares encaisse. « Je comprends, j’ai fait l’idiot », glisse l’accusé, disant avoir eu « peur ». « On parle de terrorisme », insiste le jeune homme, qui rappelle que d’autres protagonis­tes, dont Souliman B., ont varié dans leurs déclaratio­ns. Face à lui, Régis de Jorna acquiesce. « Dans le volet armes, si on compte le nombre de versions des uns et des autres, c’est effarant », soupire le magistrat, à la peine au moment d’aborder l’imbroglio familial qui émerge derrière ce dossier. Après deux heures d’audition, les pièces du puzzle peinent à s’assembler. « Votre soeur avait de mauvaises fréquentat­ions », avance de Jorna. « Pas ma soeur », rétorque l’accusé. « Non, votre nièce... Euh non... Votre belle-soeur... Votre belle-soeur, c’est ça », corrige le magistrat. Quelle responsabi­lité pour Mohamed Fares dans le trafic d’armes ? Quel rôle pour son entourage ? Difficile, à ce stade d’en savoir plus : Souliman B., mineur au moment des faits et visé par une enquête disjointe, est en fuite et n’a pas répondu à sa convocatio­n. Une situation regrettée par l’avocate de Mohamed Fares, Me Safya Akorri. « Il y a zéro élément matériel, que du testimonia­l dans ce dossier. Or le seul et unique témoin qui met en cause de manière concrète mon client n’est pas présent. »

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