Nice-Matin (Cannes)

Cordin veut tout croquer

Arrivé l’an passé, l’arrière de 21 ans confirme les espoirs placés en lui. De Nuits-Saint-Georges à Toulon, retour sur le parcours de la bombe varoise

- FABRICE MICHELIER

Ses cheveux blonds hirsutes dressés sur la tête et un franc sourire qui lui barre la bouche. Samedi soir, face à Montpellie­r, Gervais Cordin a inscrit son premier essai de la saison. Neuf mois après sa dernière réalisatio­n. La faute au confinemen­t bien entendu, mais aussi à une blessure. Une fracture du poignet survenue durant la préparatio­n. « Je n’ai été absent que cinq semaines. Ce n’est pas grand-chose, surtout par rapport à des gars comme Antho Belleau (genou). Lui va manquer sept mois », relativise-t-il d’un ton presque détaché. La sagesse d’un minot de 21 ans. Dans sa jeune carrière, Gervais a déjà connu les longues blessures. « Je me suis fait les croisés il y a trois ans, mais j’ai beaucoup grandi suite à cela. »

Dans le sillage de Retière

À l’époque de cette blessure, il évolue sous les couleurs du FC Grenoble. Un club qu’il rejoint en 2017 en provenance de Nuits-Saint-Georges. Une bourgade de 5 400 âmes au coeur de la Bourgogne. Connue pour son vin, mais aussi une terre propice à l’éclosion de talents. « Arthur Retière est mon meilleur ami. On partageait la même nourrice. Il a un an de plus que moi et a commencé le rugby avant moi. Quand j’ai été en âge, je l’ai suivi. » À 5 ans, il touche son premier ballon ovale. « C’est le seul sport dans lequel j’ai été licencié, même si j’ai un peu joué au hand ou au tennis », confesse celui dont la mère est une cousine germaine des Lièvremont… Le rugby dans les veines.

« Très vite, on a pu voir ses capacités, se souvient le président du CS Nuiton. Avec Retière, ils sortent très vite du lot, ils ont des qualités hors-norme. » Hors des terrains, Vincent Lecheneaut décrit un garçon au tempéramen­t « assez réservé, très posé, avec beaucoup d’humilité et respectueu­x. »Un bon gars. Dans une région où il n’y a pas de club au statut profession­nel (Nevers est arrivé plus tard), la ligue de Bourgogne lance ABCD XV, une entente permettant aux jeunes de se frotter à l’élite du rugby national. C’est ainsi que Gervais Cordin se fait un nom. Très vite, les clubs tapent à la porte. Et en 2017, il prend la direction de Grenoble.

« Quand je suis arrivé au FCG, je me suis dit que je devais tout donner pour essayer de tenter ma chance. Devenir joueur de rugby, c’était un rêve de gosse, mais là, j’en ai pris la mesure », rappelle l’arrière polyvalent. De son propre aveu, il n’était jusque-là pas vraiment un« gros bosseur ». Il poursuit : « Je ne travaillai­s que mes points forts. »

« A Toulon, il semble avoir passé un cap, il est très affûté, juge Stéphane Glas, arrivé en même temps que lui à Grenoble en tant qu’entraîneur des trois-quarts. Son fonds de commerce ce sont sa vitesse et ses appuis. » Cordin, c’est 1,72 m sous la toise et 73 kg sur la balance. Pas de quoi l’effrayer. « Dans mon école de rugby, on était comme ça : des petits gabarits. Alors on a misé sur un autre rugby, l’évitement, la vitesse, les appuis et l’anticipati­on… », se décrit celui qui admire Stuart Hogg, l’arrière de l’Écosse. Gervais, c’est aussi un joueur de caractère. Stéphane Glas raconte : « Lors de mon premier entretien avec lui en présaison, alors qu’il est avec les Espoirs, il me dit qu’il veut jouer en pro ! Je lui assure alors que s’il fait de bons entraîneme­nts, il aura sa chance. Ce fut le cas. Très vite, il marque son premier essai. Ça le fait exploser aux yeux de tout le monde. »

Un destin en Bleu ?

Ce sont Laurent Emmanuelli et Patrice Collazo qui sont allés le chercher au pied des Alpes. « Àlafindema première saison, Laurent était déjà entré en contact avec moi. Mais je ne me sentais pas forcément prêt. La deuxième année, j’ai eu un rendez-vous avec Patrice et ça s’est bien passé. J’avais des échos sur son management via mon pote Arthur Retière qui l’a eu à La Rochelle. Ça me plaisait. » Le début d’une nouvelle aventure. Durant sa première saison, Cordin dispute 22 matches avec trois essais à la clé. La saison de l’apprentiss­age. « L’an passé, Patrice m’a apporté beaucoup de sérénité, il m’a fait confiance », précise le Bourguigno­n de naissance. Désormais, le coach du RCT semble moins dans la pédagogie et « il attend énormément de moi. Il me fait beaucoup moins de cadeaux ! Parfois, on se parle un peu fort (rires). Mais j’ai beaucoup de respect pour lui, même si parfois c’est un peu chaud. Il me demande beaucoup de choses, je ne comprends peut-être pas assez car je suis encore jeune, mais il m’a fait beaucoup progresser. » Alors qu’il aura 22 ans au mois de décembre, le numéro 15 du RCT figure déjà dans les radars du XV de France. « Je jouerai quand je le mériterai, précise-t-il. Je dois encore travailler sur le plan tactique et technique, notamment dans le jeu au pied, la lecture du jeu…»

CAP boucherie

S’il apporte de la folie sur le terrain, Gervais garde les pieds sur terre. Il explique ne jamais avoir été trop porté sur les études, tout en ayant assuré le minimum syndical en décrochant un bac S. De quoi rassurer un peu les parents, dentistes. Il garde également en tête des projets pour l’après rugby. « Je vais passer un CAP boucher. C’est un projet que j’ai toujours eu. C’est compliqué à mettre en place avec le rugby, mais je vais le faire. Je profite de la vie, j’aime la nourriture et le vin. J’ai pour projet d’ouvrir une boucherie-restaurant dans ma région d’origine. Je n’oublie pas d’où je viens », conclut Cordin. Toujours avec le sourire. Et appétit.

Classement :

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(Photo D. L.) Le Bourguigno­n de naissance a passé un cap dans le Var.

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