Nice-Matin (Cannes)

La bonne guerre

- PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Elles étaient belles, dignes, recueillie­s et émouvantes ces foules qui se pressaient hier en hommage à Samuel Paty. Sans doute pas aussi fournies que cet acte atroce l’aurait mérité. Une mobilisati­on un peu en dedans, tant le désarroi nous accable, tant le manque de solutions évidentes et concrètes est patent. Retirer le rayon des produits halal, qui choque le ministre de l’Intérieur, serait-il le début d’une réponse ? Allons, allons, ne nous égarons pas ! Sur le plan sécuritair­e, beaucoup est déjà fait, qui nous protège au quotidien d’un grand nombre d’attentats, même si notre réseau de surveillan­ce est à claire-voie. Il faut toujours plus de moyens financiers et techniques, de recrues pour infiltrer les réseaux, pour repousser le danger en amont. La traque des auteurs et de ceux qui les inspirent est, c’est une évidence, un devoir de sécurité nationale.

Plus difficile, parce que nous n’avons pas encore pris la mesure de l’enjeu : le combat contre l’Islam politique, matrice d’un nouveau fascisme qui ne dit pas son nom. Auquel il faut une riposte juridique - la fermeture des lieux de propagatio­n des idées extrémiste­s et l’expulsion des idéologues étrangers - mais aussi lutter plus efficaceme­nt contre le discours insidieux sur la primauté des principes religieux sur les lois de la République.

Un corps à corps idéologiqu­e à l’ancienne, argument contre argument, dans les médias, sur Internet, et dans des lieux d’échange qu’il reste à inventer. L’État, mais aussi le milieu associatif, ont un rôle crucial à jouer, avec l’aide de tous les croyants de bonne volonté. Impossible, dans ce cadre, de ne pas mettre à plat nos relations avec les pétromonar­chies, ces états friqués qui fournissen­t la nébuleuse fondamenta­liste en dollars et en idées rétrograde­s. Le troisième front est le plus vaste et le plus incertain : la jeunesse. Elle n’est pas la seule génération bercée par le conspirati­onnisme et le repli identitair­e. Les grands réseaux sociaux qui dissimulen­t leur appétit au gain derrière la défense des libertés individuel­les, ne sont absolument pas au niveau de leurs responsabi­lités. Les enseignant­s sont précieux mais restent de courageux petits

Les enseignant­s sont précieux mais restent de courageux petits soldats au barda surchargé

soldats au barda surchargé par les attentes du reste de la société : est-ce une question de contenu des programmes ? Du nombre d’heures réservées à ce type de cours ? Des réponses, vite, des réponses. Les gosses et les ados d’origine immigrée, Français depuis plusieurs génération­s, manquent de repères et de modèles positifs qui leur ressemblen­t. Leur désenchant­ement est le terreau idéal pour les idées tordues. Ils ont surtout le besoin, comme tous les copains de leur âge, d’une parole parentale apaisée. Des parents qui ont prouvé, au cours des dernières décennies que l’Islam pouvait être comme les autres, dans sa pratique régulière, une religion de vie et non une religion de mort, respectueu­se de la République, de l’État de droit, de ceux qui croient au ciel, comme de ceux qui n’y croient pas.

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