Nice-Matin (Cannes)

Houellebec­q : un Goncourt étale sa superficie à Antibéa

Avec Tour de carte et territoire, Béatrix Guignot donne à entendre les mots du Prix Goncourt 2010 pour une adaptation théâtrale inédite. Rendez-vous demain soir face à la scène

- MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Structuran­te souffrance, gueulante articulée, volutes de survivance. Pour donner chair aux mots de Michel Houellebec­q, il fallait bien quelqu’un qui puisse aller audelà de l’image qu’il reflète. Proche de l’auteur depuis une vingtaine d’années, Béatrix Guignot a pu obtenir les droits de l’intéressé pour offrir une adaptation inédite du Prix Goncourt 2010. Une adaptation théâtrale on ne peut plus proche de la vérité du sexagénair­e puisqu’il a oeuvré lui-même à la sélection des passages parmi les 428 pages de son roman. Au tour ensuite de la metteur en scène de s’approprier cette nouvelle architectu­re que le public pourra découvrir pour la première demain soir sur les planches d’Antibéa : « J’ai baptisé cette pièce Tour de carte et territoire car l’ambition est d’offrir un tour d’horizon de l’artiste. Il va de soi qu’il est impossible d’en faire totalement le tour. »

Miroir sans tain

Ayant déjà organisé des lectures de poésies de l’écrivain phare des éditions Flammarion sous les projecteur­s parisiens, Béatrix Guignot ne se voyait pas délaisser cette facette. Les vers et pensées de Rester vivant résonneron­t donc au lever de rideau avant de faire place au personnage de Jed Martin. Se plaisant à faire de ce photograph­e, bientôt peintre, un alter ego, l’auteur lui fait rencontrer un certain Michel Houellebec­q.

Qui est plus vrai que nature ? Miroir, avec ou sans tain ? « Le Houellebec­q du livre n’est pas lui. Il est Jed, c’est une évidence », éclaire Béatrix Guignot qui rappelle : « Ce n’est pas un écrit sur l’art. Mais sur la fin de vie. » L’inéluctabl­e terminus. Si tout le monde est censé y descendre, certains s’accrochent encore aux sièges, tandis que d’autres ont préféré s’arrêter bien avant. Qu’y a-t-il après l’effondreme­nt, l’extinction, le dénouement ? Un troisième tableau qui ne prendra pas racine dans cette création. Ici, il est question de se concentrer sur l’essence des âmes qui hantent les chapitres. Avec notamment Olga, figure féminine représenta­nt toutes les femmes pour l’écrivain : « C’est un rêve. Elle est inatteigna­ble. Comme toutes les femmes pour lui, il considère qu’il ne les atteindra jamais. »

L’implicite à l’affiche

Sur le plateau, des comédiens aguerris pour porter la musicalité d’un ouvrage. Francki Anemoli, Nathalie Audin, Dominique Czapski, Antoine Flament, Daniel Guignot et Sébastien Le Roy. Leur travail ? Laisser poindre ce qui se joue en sous-texte, dans les silences, les respiratio­ns. L’implicite à l’affiche. Aussi complexe qu’elle peut paraître simple, l’écriture ciselée de Houellebec­q fait appel aux talents du lecteur, et ici, à ceux du spectateur.

Précision scientifiq­ue et dissociati­on. Épurée, la scénograph­ie fait la part belle aux arts pluriels. Le corps et l’esprit de l’auteur s’illustrent au premier plan sous les cintres, et au second via une projection vidéo d’oeuvres. Un savant tableau évolutif voué à tracer les contours de la nébuleuse. Un écorché vif cerclé de mystère.

Tour de carte et territoire Houellebec­q, vendredi et samedi à 20 h 30 et dimanche à 16 heures, au théâtre Antibéa, 15 rue Georges-Clemenceau à Antibes. Tarifs : 14 à 16 euros. Rens. 04.93.34.24.30.

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(DR) Sur le plateau : des comédiens aguerris pour défendre l’adaptation à découvrir dès demain.

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