Nice-Matin (Cannes)

Alex Lutz : « Je ne sais pas composer

Si Roland Garros est terminé, le nouveau film de Quentin Reynaud, 5 set, jouera les prolongati­ons au e cinéma à partir du 2 décembre. Avec un Alex Lutz stupéfiant dans le rôle de ce joueur de 37 ans qui refuse de raccrocher sa raquette au vestiaire.

- PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr

Prostré sur le court de tennis, l’oeil hagard, le visage à moitié dissimulé sous une serviette et les paumes en sang, Alex Lutz est bouleversa­nt dans le rôle de Thomas Edison. Un ancien grand espoir de la profession qui, à la surprise générale, est devenu un joueur médiocre. Après des années de compétitio­ns ratées, sa mère (Kristin Scott-Thomas) et sa femme (Ana Girardot) ne croient plus en lui. Elles n’attendent plus qu’une chose : que Thomas prenne sa retraite. Mais loin de déclarer forfait, ce dernier, plus déterminé que jamais, va au contraire s’inscrire aux qualificat­ions de Roland-Garros. C’est donc dans les coulisses d’un Roland Garros fictionnel que nous entraîne 5 set.

e Dans cet univers impitoyabl­e mêlant sueur, larmes et dépassemen­t de soi. Après sa formidable performanc­e dans Guy, une ancienne vedette de la chanson française devenue septuagéna­ire, Alex Lutz, que nous avons rencontré hier soir au Pathé gare du Sud à Nice en compagnie du réalisateu­r, confirme avec 5 set son immense talent

e de comédien dramatique…

Un mot sur le report du festival Ciné Roman, auquel vous deviez participer, et sur ce que vous inspirent tous ces changement­s de dates dans le domaine culturel…

Alex Lutz : Daniel Benoin m’avait proposé d’être jury avant même que le film puisse se positionne­r en ouverture, et je trouvais l’idée de ce festival excellente. Avec une thématique riche et une très belle programmat­ion. Mais il ne faut rien lâcher, on alterne nous gens de culture entre combativit­é, envie, invention et désespoir. Mais ça peut

‘‘ faire cercle vertueux, ça nous concentre sur nos objets artistique­s, et comme des parents avec leurs enfants prématurés, on les accompagne avec une attention décuplée.

e Quentin Reynaud : J’étais joueur de tennis plus jeune, et j’avais le sentiment que le tennis n’avait

Quelle a été la genèse de set ?

jamais été abordé comme ce qu’il est pour moi à savoir un sport difficile, au niveau de la psychologi­e comme du physique. Il y a le tennis en toile de fond dans Match point de Woody Allen, ou dans Terre battue, mais jamais on n’avait montré ce qu’était un tennisman de haut niveau. Et pour en avoir côtoyé, je savais qu’il y avait un sujet dramatique extrêmemen­t cinématogr­aphique dans ce combat que le sportif doit mener pour vivre.

Alex dans le one-man-show vous occupez l’espace, est-ce que ça vous a servi pour ce film ?

Oui bien sûr. Il y a des seuls en scène plus ou moins sportifs, mais j’adore faire des spectacles très physiques. Quand on fait deux cents dates avec un spectacle, il y a un vrai rapport à l’endurance, à la sportivité, au corps qui s’abîme et qui se casse, donc c’est une énergie qui m’a servi pour le film. De même que la concentrat­ion et le rapport à la solitude lorsqu’on doit aller dans l’arène.

Quelle préparatio­n physique avezvous suivie pour ce rôle ?

Quatre ou cinq heures de sport par jour, avec une partie tennistiqu­e et une d’entraîneme­nt sportif axé sur le renforceme­nt musculaire, un programme inspiré par un protocole d’athlète. Cela m’a aidé à me mettre dans l’énergie de ce personnage en passant par tous les états d’âme possibles. Le but étant aussi d’être dans une véracité du geste, de la manière de récupérer un sac ou une balle jusqu’aux positionne­ments du corps en début, en fin de point, en amorce de service.

Ce film est aussi une ode au dépassemen­t de soi ?

Quentin Reynaud:Ouià ceci près que ce qui m’intéressai­t c’était d’aller un peu plus loin, c’est-à-dire que dans la psychologi­e de Thomas Edison il y a certes le fait de se relever, de se dépasser, mais il est à la limite de l’aveuglemen­t. Et comme les résultats ne sont pas là, ça fait aussi vaciller tout l’édifice familial.

Alex, quelles connexions avezvous établies durant le tournage avec Ana Girardot et Kristin Scott-Thomas ?

On est devenus très proches, on l’est resté d’ailleurs. Ana plus facilement parce qu’elle est en France, Kristin est en Angleterre, c’est plus compliqué. Et ce qui était chouette c’est que Quentin nous a permis de compléter cette relation mari-femme et mère-fils.

Vous aviez révélé la femme qui est en vous dans Catherine et Liliane, puis incarné un ancien chanteur de  ans dans Guy ,et aujourd’hui on vous retrouve dans la peau d’un tennisman de  ans. Vous prisez l’art de la métamorpho­se ?

Je crois que j’ai un problème en fait : je n’ai toujours pas compris ce qu’est un rôle de compositio­n ! Je n’aurais jamais pu jouer un personnage déjà existant. Je crois au naturalism­e au cinéma quand on peut, et j’ai trouvé intéressan­t d’inventer Thomas Edison comme d’inventer Catherine ou ce chanteur de  ans.

L’énergie de mes seuls en scène m’a servi pour ce film”

‘‘

J’aime cette expression : l’art des possibles”

Et vous n’avez pas hésité à vous transforme­r en objet dans votre premier roman, Le radiateur d’appoint, paru chez Flammarion ?

C’est un livre de rencontres humaines, mais en effet j’ai eu envie d’imaginer comme point de départ le fait que le narrateur soit un radiateur. Il y a une expression au théâtre que j’aime beaucoup qui est l’art des possibles, et que je trouve dans nos métiers à la fois magnifique et dérisoire, fragile comme la brise. Mais pendant une heure vingt tout le monde joue à y croire. Et dans cette communion-là il y a quelque chose qui vibre et qui avance. Nos coeurs se mettent dans de l’émotion et de la pensée.

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