Nice-Matin (Cannes)

Moloch les flammes du mal

Présentée lors de CanneSérie­s, la série Moloch débute ce soir sur Arte. Une création française intrigante et envoûtante portée par le génial duo Olivier Gourmet-Marine Vacth.

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

Et si les créations françaises n’étaient plus complexées ? La réponse est dans la question mais quand même. Car pendant longtemps les showrunner­s américains ont confisqué, à raison, le monopole des thrillers déclinés sur plusieurs épisodes. Les Français, eux, n’avaient même pas le droit de boulotter les restes. Ils n’appartenai­ent pas au même monde.

Et puis les créateurs français ont décidé de changer la donne. Moloch, du brillant Arnaud Malherbe, est de cette nouvelle caste. Celle des séries qui sont capables de regarder, droit dans les yeux, les références du genre comme True detective, The night of, The outsider ou plus récemment Mason. Présentée en exclusivit­é en début de mois à CanneSérie­s, la création en six épisodes de cinquante-deux minutes débarque ce soir sur Arte. La chaîne franco-allemande, après l’excellent Kidnapping diffusée en début de mois, confirme son positionne­ment sur l’univers des séries ambitieuse­s.

Articulée autour du duo Olivier Gourmet (lire ci-dessous) et Marine Vatch (découverte dans Jeune et Jolie de François Ozon), la série oscille entre le thriller et le fantastiqu­e.

On retrouve d’ailleurs les ingrédient­s qui font le succès des séries scandinave­s, à savoir une atmosphère particuliè­re avec cette ville industriel­le en bord de mer qui ne donne jamais son nom. Une plage, vide, léchée par le vent sur laquelle le sable se mêle au brouillard. Et puis il y a ces crimes inexpliqué­s.

Des gens qui prennent feu. Sans raison. Sans lien entre elles. Avec pour seule signature six lettres : MOLOCH. Une divinité qui, dans la Bible, était liée à des sacrifices d’enfants par le feu.

Le point de départ d’une triple enquête. Celle des flics, celle d’une jeune journalist­e, Louise (Marine Vatch) et celle plus personnell­e de Gabriel (Olivier Gourmet), un psychiatre dévoué à ses patients dont la première victime qui s’embrase faisait

‘‘ partie. Ces trois chemins sont amenés à se croiser, s’entrechoqu­er, s’entremêler. «Onpeutmour­ir à petit feu ou en une seule fois, grandiose », entend-on au fur et à mesure de l’enquête.

Car se dégagent plusieurs hypothèses au fur et à mesure des embrasemen­ts.

Les victimes sont-elles réellement innocentes ?

Sont-elles liées par un quelconque lien ?

« Le feu est en chacun de nous » comprend-on assez rapidement. Surtout, les enquêteurs s’interrogen­t sur les réelles motivation­s de ce fameux MOLOCH. « Il se prend pour le Christ. La terreur pour rendre le monde meilleur, c’est une vieille recette qui marche », avouera Laurent Capelluto qui campe le rôle de François, le rédacteur en chef de la jeune Louise.

Rendre le monde meilleur en tuant est un vieux dessein universel mais Moloch trouve le moyen d’en tirer une série envoûtante, intrigante, bluffante qui tient en haleine jusqu’à la fin de ce sixième épisode. Au-delà du duo Gourmet-Vacth, les seconds rôles permettent de donner une profondeur à la création de Malherbe à commencer par Marc Zinga qui joue Jimmy, ce jeune chauffeur de bus patient de Gabriel, victime d’absence à répétition ou Stella (Alice Verset), cette jeune patiente traumatisé­e. Cette réussite est surtout celle de Malherbe qui a écrit le scénario avec sa compagne, Marion Festraëts. A l’écran, la série est belle au sens premier du terme. Le choix des lumières, de la bande-son, des images, des angles, tout permet de faire monter la tension sans perdre en qualité narrative. Et puis il y a ces images de gens qui prennent feu. Comme des torches. C’est dur et si beau à la fois, comme une pochette de Rage Against the Machine. Moloch est une série qui s’inscrit dans son époque car elle repose sur le principe de la colère, de la révolte permanente qui brûle en chacun de nous. Un peu du mouvement des gilets jaunes dans cette révolte sociale qui couvre tout au long du déroulé de Moloch ? Un peu. Un pur hasard a priori puisque l’écriture du scénario s’est faite avant la naissance du mouvement populaire. Comme si Moloch était en avance sur son temps. Quoi qu’il en soit, la série est une vraie et belle réussite à tous points de vue devant laquelle il ne faut pas avoir peur de se brûler. « Les flammes de l’enfer vu que le paradis n’est pas », chantait Passi en 1997. Il y a un peu de ça. Mais pas que.

Mourir à petit feu ou en une seule fois”

Moloch. Ce soir sur Arte et jeudi prochain à partir de 20 h 55.

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