Nice-Matin (Cannes)

Des randonneur­s au grand coeur marchent pour la Roya

Tous les week-ends depuis la tempête, une équipe de marcheurs – issus de tous horizons – vient en aide aux hameaux isolés de la vallée, apportant réconfort et victuaille­s aux habitants sinistrés

- ALICE ROUSSELOT

Ils font des pieds et des mains pour venir en aide aux sinistrés de la vallée de la Roya. Au sens propre, comme au sens figuré.

Depuis que la terrible tempête Alex a ravagé la vallée dans laquelle ils aiment habituelle­ment à randonner, une tribu de trekkeurs oeuvre tous les week-ends pour apporter victuaille­s et réconfort aux habitants de quartiers isolés. Là où plus aucune route ne relie ces derniers aux villages dont ils dépendent. Là où seuls des (bons) marcheurs peuvent accéder. À l’origine de cette « Mission trekkeurs » : David Blanchet, pompier de Paris, et Marcial Lyonnais, pompier volontaire. Deux hommes habitués à gérer des crises, qui ont rapidement imaginé des expédition­s à la manière des sherpas – longues heures de marche, gros sacs sur le dos, et grande déterminat­ion.

Profils et missions variés

« Nous faisons dans le détail. On aide pour des choses non couvertes par la force publique », commente l’une de ces randonneur­s au grand coeur, Anne-Laure Carrega.

Précisant que les secteurs où intervenir ont pu être identifiés grâce au bouche-à-oreille et aux réseaux sociaux.

Que les services rendus sont multiples : transport de nourriture, création d’accès piétons, déblaiemen­t, fabrique de passerelle­s de fortune…

De même, les profils des trekkeurs sont variés, allant de l’ancien légionnair­e au banquier, en passant par un bûcheron, des chômeurs victimes de la Covid, ou un cordiste. Parmi eux, des Biotois touchés par les intempérie­s en 2015.

« Nous n’étions pas forcément prédestiné­s à ce type de missions. Mais nous avons deux dénominate­urs communs : la marche, et l’entraide. On profite de la montagne tous les étés, on se nourrit de ces endroits et des gens qui les font vivre. La main tendue se fait désormais dans l’autre sens », résume la Sospellois­e. Indiquant que les femmes portent des sacs d’une cinquantai­ne de litres, et les hommes de 70 à 80 litres.

L’un des principaux atouts de ces colonnes humaines ? « Nous sommes en autonomie complète : on dort en bivouac et on se nourrit

(1) grâce aux réchauds qu’on utilise en temps normal pour nos sorties en montagne. C’est un bénéfice pour les communes, qui n’ont pas à mettre de moyens à dispositio­n ».

« On part forcément un peu à l’inconnu »

Il n’en demeure par moins que David et Marcial entretienn­ent un lien avec les municipali­tés. Aussi les trekkeurs travaillen­t-ils de manière indépendan­te, sans agir néanmoins en électrons libres.

Le premier week-end après la tempête, une trentaine de marcheurs s’est rendue du côté du chemin de Praghiou (Breil) pour ravitaille­r des habitants, voire les désenclave­r à l’aide de pelles et de pioches.

« On part forcément un peu à l’inconnu en mettant dans nos sacs ce qui nous paraît important. Mais si sur place on nous fait une demande spécifique, on y retourne », glisse Anne-Laure.

Donnant l’exemple d’une personne de 88 ans qui voulait des conserves de légumes. Le week-end dernier, une vingtaine de trekkeurs était au rendez-vous pour rallier les hameaux de Saint-Dalmas et Vievola (Tende). Et s’ils ont pu prêter main-forte aux habitants avec leurs modestes moyens, les bénévoles sont en mesure de faire remonter un besoin : pour que les choses avancent à Vievola, il faudrait qu’une pelle de 3,5 tonnes, un chargeur et un camion puissent être prêtés.

Une pluie de cailloux

« Entre les images à la TV et ce que l’on voit quand on a les pieds dans la boue, il y a une grosse différence. Dans ces coins, on a l’impression que c’est une pluie de cailloux qui est tombée. C’est stupéfiant », poursuit Anne-Laure. Attachée au côté humain des missions auxquelles elle participe. « Quand des gens n’ont vu personne depuis deux semaines, ils éprouvent du désarroi et de l’impuissanc­e. Alors quand ils voient trente gaillards arriver à leur rencontre, il y a de l’émotion. Des larmes, on en a vu...»

Ce week-end, c’est du côté du Caïros que les marcheurs devraient se rendre, en territoire toujours enclavé. Mais même quand les axes seront rétablis, ils entendent bien poursuivre leur mission, répondant aux besoins à mesure qu’ils évolueront. En soutien à ceux qui ont assisté au cataclysme.

« Plusieurs anciens qu’on a rencontrés nous ont dit qu’ils avaient vécu la guerre. Mais que là, c’était pire...» (1) Pour leur usage, ainsi que pour les sinistrés, les entreprise­s Chullanka et Alticoop ont offert des cartons de repas lyophilisé­s.

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(Photos Mission Trekkeurs) Les marcheurs se sont déjà rendus sur les hauteurs de Breil et de Tende.
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