Nice-Matin (Cannes)

« Avec les familles des victimes, on se comprend sans se parler, la souffrance… »

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Pendant toute la cérémonie, elle a pensé à Camille, sa fille tombée sur le Prom’ le 14 juillet 2016. Elle a pensé à Nadine, Simone, Vincent. A leurs enfants, leurs proches. Aux 86 anges du 14-Juillet. A Samuel Paty. A toutes ses vies bousillées. La douleur en boomerang. La douleur encore. Pour toujours. Plaie ouverte. « Avec les familles de victimes, on se comprend sans se parler, un regard suffit pour dire leur souffrance » , témoigne Anne Murris la présidente de l’associatio­n « Mémorial des Anges ». « C’était une cérémonie très juste, très émouvante. C’était un réel hommage aux victimes. On les a vues au travers de leurs portraits, on a parlé de leurs vies. On a pu les découvrir aussi par l’intermédia­ire des morceaux de musique que leurs familles avaient choisis. C’est presque terrible de dire cela mais c’était beau. Les cérémonies font du bien ».

Cette petite file qui grandira sans sa mère

Mais, la douleur reste. « Pour tout le monde. Pour, la France, les Niçois. Et pour nous encore plus encore : on pense à la souffrance des familles et en même temps, on est tellement submergés par notre souffrance », souffle cette mère orpheline de fille qui a réussi à glisser, hier, un courrier au garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti

« J’ai demandé une dérogation exceptionn­elle à la loi littoral pour pouvoir reconstrui­re le casino Jetée Promenade, ce lieu démonté pièce par pièce par les nazis, pour en faire notre musée-mémorial aux victimes d’attentats. Ce serait un beau symbole ». Pour apaiser un peu. Contre « l’islamisme radical qui est un fascisme ». Pour la vie. Mais la douleur ne se taira jamais.

« Quatre ans après, dans la rue parfois je sens le parfum de ma fille. Des fois je rentre dans un magasin et je me dis : “Tiens je vais lui acheter ça !”, ou encore je me dis : “C’est bizarre elle ne m’a appelée aujourd’hui”. »

Survivre, vivre, est « un combat quotidien. On a pris perpète. C’est un hold-up sur notre vie, on a volé la vie de ma fille et la nôtre aussi. On a volé la vie de Simone, Nadine et Vincent, on a volé les vies de leurs enfants, de ceux qui les aimaient aussi », glisse-t-elle.

Et ses yeux clairs s’embuent quand, au milieu des larmes, du protocole et des services de sécurité, passe une toute petite fille en ballerines et robe marine. Elle a de jolies bouclettes, un petit noeud très sage dans les cheveux et un regard grave, triste et malicieux à la fois. Cette gamine qui a les yeux de Simone. Anne Murris la suit du regard. « Je pense à elle ». Des larmes perlent. Anne Murris pense à cette petite fille qui devra grandir sans sa maman. Comme elle essaie d’apprendre à vivre sans sa fille…

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Anne Murris.

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