À Cannes, l’arnaque tourne au racket ?
Le pilote d’un scooter prétend que le conducteur d’une voiture a roulé sur son portable. Il fait pression, soutenu par une quinzaine d’autres jeunes, jusqu’à obtenir un téléphone... à 1 079 euros
Lorsqu’il voit un scooter surgir du trottoir et piler devant sa voiture sur un rond-point de Ranguin, à Cannes, Bertrand, 59 ans, ne sait pas encore qu’il va passer deux heures « assiégé » par une quinzaine de jeunes âgés d’environ 18 à 30 ans. Il ne comprend pas tout de suite ce qui arrive : le pilote du scooter, dont la plaque d’immatriculation est cachée, lui reproche d’avoir roulé sur son téléphone portable. Et donc de l’avoir cassé. Il lui demande de rembourser. Une demande qui vire à l’exigence. Incompréhension de Bertrand, qui descend de voiture dans laquelle se trouve un adolescent. Il commence à discuter, mais peu à peu, un attroupement se forme, un deuxième scooter se gare derrière sa voiture bien vite cernée.
Sentiment d’abandon
« J’ai évité l’accident, je n’ai pas le sentiment d’avoir roulé sur un téléphone et quand bien même, ce téléphone n’est pas tombé de mon fait. On me réclame quand même le règlement. J’ai gardé mon calme, énonce Bertrand. De toute manière que pouvais-je faire ? Je suis monté dans ma voiture et j’ai appelé le 17. Trois fois. La première fois, on me dit que la police va venir. La deuxième fois, que les policiers interviennent sur un suicide. La troisième fois, je me sens en danger. J’ai un mineur dans la voiture à côté de moi. J’avoue qu’au téléphone, je monte le ton. On me raccroche au nez. » Sentiment de détresse et d’abandon, témoigne le quinquagénaire. Bertrand se tourne alors vers des collègues qu’il appelle à l’aide pour négocier avec les jeunes. À l’arrivée du couple, rien n’y fera. On dirait bien que l’arnaque tourne au racket. Les jeunes font pression pour obtenir… un chèque de caution. Montant exigé : 1 000 euros. Le chèque est dûment signé. « Sinon on ne s’en sortait pas. Il commençait à faire nuit. J’avais un mineur dans la voiture et une quinzaine de jeunes autour de nous. » Engagement est pris de se revoir le lendemain pour aller acheter un portable neuf. « Celui que le pilote du scooter me montre ne vaut certainement pas 1 000 euros. Mais que faire, encore une fois ? C’est décourageant. C’est alarmant. Il y a un bureau de police à 200 mètres.
Quant aux passants, ils ne se sont pas arrêtés pour aider. »
Regret de Bertrand : l’arrivée de la police à 18 h 15 : « Tout était terminé. C’était trop tard. Il n’y a eu que des agressions verbales, bien sûr. Mais si j’avais su dès le début que la police tarderait autant, je n’aurai pas commencé à parlementer. Je serai parti beaucoup plus tôt. »
Le lendemain, c’est avec la femme du couple ami de Bertrand que la transaction se déroule dans un
magasin en présence des jeunes. Coût du téléphone facture en main : 1 079 euros.
« On a le sentiment d’avoir acheté notre tranquillité », dit-elle tout en se gardant, comme Bertrand, de trop en dire pour éviter d’autres problèmes.
En nous invitant aussi à taire un certain nombre d’informations qui pourraient leur nuire. Bertrand, lui, est toujours choqué.