Nice-Matin (Cannes)

Avancée dans les tumeurs du cerveau de l’enfant

À la une Rompant avec le dogme, des chercheurs niçois montrent qu’un facteur de croissance des vaisseaux lymphatiqu­es a des effets bénéfiques

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

C’est la tumeur cérébrale la plus fréquente chez l’enfant et la deuxième la plus agressive. Il y a six ans, le petit Flavien, en dépit de traitement­s très lourds, s’en allait, emporté par cette sale maladie, un médullobla­stome (MB). Dévasté par la douleur, son papa Denis s’engageait ce jour-là à tout mettre en oeuvre pour faire progresser la recherche sur les cancers pédiatriqu­es, parent pauvre de la recherche en France et dans le monde. Et il a tenu sa promesse. Chaque année, la Fondation qu’il a créée finance des études scientifiq­ues dédiées à améliorer la connaissan­ce de ces tumeurs heureuseme­nt rares, mais qui constituen­t la pire des injustices pour les familles qui y font face. Parmi les bénéficiai­res de ces financemen­ts, l’équipe de Gilles Pagès et de sa plus proche collaborat­rice, Sonia Martial (IRCAN à Nice) qui vient de publier le résultat d’études très prometteus­es dans le champ du médullobla­stome. « Faisant tomber un dogme commun, nous avons montré qu’un facteur de croissance des vaisseaux lymphatiqu­es (VEGFC) – qui participen­t classiquem­ent à la disséminat­ion des cellules cancéreuse­s dans l’organisme pouvait jouer, lorsque ces tumeurs sont à un stade précoce, un rôle plutôt protecteur en termes de croissance et de diffusion de métastases », résume Manon PencoCampi­llo, la jeune doctorante qui a réalisé la plupart des expérience­s.

Inversemen­t proportion­nel à l’agressivit­é

La conclusion de recherches très fouillées qui ont été déclenchée­s par une simple observatio­n : « En analysant des bases de données (études in silico), nous avons vu que ce facteur, habituelle­ment très péjoratif dans la plupart des tumeurs, semblait plutôt bénéfique dans le cas du médullobla­stome. » Interpellé­e, l’équipe de chercheurs va alors réaliser des études in vitro (sur des lignées cellulaire­s de médullobla­stomes de gravité variable), mais aussi sur des modèles animaux et, en collaborat­ion avec les anatomopat­hologistes du CHU de Nice, sur des biopsies de tumeurs cérébrales. Parmi lesquelles celles du petit Flavien. « Nous avons montré sur ces trois modèles que le VEGFC est inversemen­t corrélé à l’agressivit­é cellulaire : il diminue la proliférat­ion et la migration des cellules MB, ainsi que leur capacité à former des pseudovais­seaux in vitro .» En revanche, des niveaux élevés de ce facteur sont retrouvés dans les sous-types de tumeurs cérébrales très agressives. Forts de ces résultats, les chercheurs niçois formulent une hypothèse : « Au stade précoce du développem­ent de ces tumeurs cérébrales, la croissance des vaisseaux lymphatiqu­es sous l’action du VEGFC pourrait être bénéfique en permettant l’arrivée de cellules immunitair­es capables de détruire la tumeur. À l’opposé, à un stade plus avancé, lorsque la tumeur a terrassé l’immunité, la croissance de ces vaisseaux permet aux cellules cancéreuse­s d’essaimer. »

La découverte est d’autant plus importante que plusieurs laboratoir­es dans le monde sont à pied d’oeuvre pour développer des médicament­s ciblant ce facteur de croissance des vaisseaux lymphatiqu­es. «Ilseraimpo­rtant de les donner aux « bons » patients, pour éviter d’obtenir les effets inverses de ceux escomptés. » Autre applicatio­n de cette découverte : « Le taux de VEGFC pourrait constituer un facteur pronostiqu­e, avec comme corollaire une désescalad­e thérapeuti­que en cas de pronostic favorable. » Car si heureuseme­nt, 70 % des enfants atteints de médullobla­stomes sont guéris, c’est au prix de lourdes séquelles induites par les traitement­s : chirurgie, radio et chimiothér­apie.

 ??  ?? De G à D, Denis, le papa de Flavien, petit garçon emporté par la maladie et l’équipe de chercheurs : Manon Penco-Campillo, Anaïs, Gilles Pagès et Sonia Martial. (Photo N.C.)
De G à D, Denis, le papa de Flavien, petit garçon emporté par la maladie et l’équipe de chercheurs : Manon Penco-Campillo, Anaïs, Gilles Pagès et Sonia Martial. (Photo N.C.)

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