: un novembre à haut risque
Le préfet du Var démissionne trois jours après avoir été nommé.
Il y a 150 ans, la guerre de 1870 entre Français et Prussiens continuait sans répit. Napoléon III avait été emprisonné. Le 4 septembre, l’Empire avait été aboli et la République instaurée. Le 7 octobre, Gambetta avait dû quitter en ballon Paris assiégé pour installer le gouvernement français à Tours.
Notre région – ainsi que toute la France - – vivait sur un volcan. Paul Cotte, ancien proscrit, militant républicain, avait été nommé préfet du Var à Draguignan. (Voir Nice-Matin du 18 octobre). Mais la République avait du mal à s’imposer. Le peuple n’en pouvait plus. L’historien Maurice Mistre nous a fourni beaucoup de détails sur cette période dans notre région. Nous voici fin octobre. Le 28,
‘‘ la défaite du maréchal Bazaine devant Metz, livrant 150 000 prisonniers à l’ennemi, plombe le moral des Français. On ne supporte plus cette guerre mal préparée qui ruine le pays. Elle a été déclarée par Napoléon III et est assumée par la République depuis que l’empereur a été écarté et l’Empire aboli. Le peuple ne sait plus où il en est. Pro et anti républicains s’affrontent. Le préfet Cotte se trouve au milieu. Le 2 novembre, il s’attaque à une personnalité symbolique du conservatisme : il fait arrêter le président du tribunal nommé Roque qui, en 1851, avait organisé une répression des insurgés varois lors du coup d’état de Napoléon III. Les soutiens de Roque se mobilisent parmi les hommes de loi. Depuis Tours, le ministre de la justice Crémieux ordonne qu’on le libère. Colère de Cotte ! Il se sent désavoué. Le 5 novembre, il démissionne. Le sous-préfet Maurel, à Toulon, fait de même.
Sans expérience politique
Le 7, la population qui soutient le préfet est dans la rue. Elle est exhortée par un « comité central révolutionnaire » qui a couvert les murs d’affiches rouges.
Le gouvernement résiste. Le même 7 novembre, il nomme un nouveau préfet à Draguignan et un sous-préfet à Toulon : Secourgeon et Hallo. Le 8 novembre, c’est le conseil municipal de Toulon qui démissionne.
Le nouveau préfet, Adolphe Secourgeon, est un médecin militaire en retraite sans expérience politique. Afin de s’attirer la sympathie de la population toulonnaise, il annonce immédiatement qu’il va transférer la préfecture de Draguignan à Toulon. Cela n’est pas illogique : Toulon est la cité la plus importante du Var. Mais une telle décision ne peut être prise aussi brutalement. (Toulon avait perdu en 1793 son titre de préfecture pour avoir soutenu les royalistes au moment de la Révolution).
Adolphe Secourgeon n’en reste pas là. Il annonce également qu’il va aussi suspendre la mobilisation que le gouvernement a décrétée pour renforcer l’armée française en déroute. Mais la population n’est pas dupe. Elle comprend que ces annonces ne sont que manoeuvres politiques. Le 10 novembre, le bâtiment de la sous-préfecture de Toulon est occupé et Secourgeon séquestré.
Le novembre, Secourgeon annonce qu’il va transférer la préfecture de Draguignan à Toulon”
Télégrammes à Gambetta
Là-dessus, Paul Cotte fait savoir qu’il ne procédera à la passation de son pouvoir de préfet que si cela se déroule à Draguignan, siège officiel de la Préfecture, et non à Toulon.
La situation est inextricable.
À Draguignan, le 11 novembre, le jeune maire Félix Anglès, télégraphie à Gambetta, à Tours : « Bruit alarmant sur prétendu transfert de notre préfecture à Toulon... Si jamais Draguignan devenait sous-préfecture, toute la population républicaine se soulèverait. »
Le 11 novembre au soir, nouveau télégramme du chef de cabinet du préfet Briguet : « La population vient d’occuper la préfecture. Le conseil municipal s’y trouve aussi et prie le préfet Cotte de rester à son poste… »
Comprenant que la situation est devenue incontrôlable, Gambetta demande à Cotte et Maurel de retirer leur démission. Socourgeon n’a plus qu’une solution : se retirer. Il en prend la décision dans la nuit du 11 novembre. Il aura été préfet trois jours !
La rue avait gagné. La République pouvait enfin s’installer.