Nice-Matin (Cannes)

UN VACCIN POUR NOËL ?

Un vaccin contre la Covid-19 « efficace à 90 % ». Alors que le monde entier met depuis des mois tous ses espoirs dans la vaccinatio­n, l’annonce par Pfizer provoque un séisme

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Le vaccin contre la Covid-19 ou la quête du Graal. Alors que l’économie mondiale est à genoux, que les malades de la Covid-19 se comptent par dizaines de millions à travers le monde, l’annonce conjointe par le géant américain Pfizer, et l’allemand BioNTech, d’un candidatva­ccin contre le Covid-19 « efficace à 90 % » a fait hier l’effet d’une bombe. Enfin un peu d’espoir en des temps obscurcis par le décompte macabre des milliers de morts journalier­s de cette nouvelle infection. Selon les sociétés pharmaceut­iques, ce vaccin est actuelleme­nt en phase 3 (lire par ailleurs), soit la dernière étape avant la demande d’homologati­on. Testé à très large échelle, sur des dizaines de milliers de volontaire­s, il n’aurait été associé à aucuns événements indésirabl­es graves. Il pourrait donc – sous réserve de succès clinique et d’autorisati­on réglementa­ire – être disponible début 2021, voire avant la fin de l’année. Sur la base de projection­s, les entreprise­s ont déclaré qu’elles prévoyaien­t de fournir jusqu’à 50 millions de doses de vaccins dans le monde en 2020 et jusqu’à 1,3 milliard de doses en 2021. Et les Européens – qui en ont précommand­é 200 millions – devraient être parmi les premiers à être livrés, au moins en partie, de leur commande. Quid de la France ? Ce sera la Commission européenne qui dirigera le processus de répartitio­n des doses de vaccin entre les 27 États membres.

Un nouveau type de vaccin

Si le vaccin candidat confirme son efficacité clinique, il s’agira du premier vaccin contre une infection humaine à coronaviru­s. Jamais à ce jour, la communauté scientifiq­ue n’a réussi à en développer malgré deux alertes assez récentes : l’émergence en 2002 du SARS-CoV-1 (responsabl­e de l’épidémie de SRAS – syndrome respiratoi­re aigu sévère) et celle du MERS-CoV (responsabl­e du syndrome respiratoi­re du MoyenOrien­t en 2012). Les seuls vaccins anti-coronaviru­s existants ont été développés dans le domaine vétérinair­e, le plus souvent sous forme de vaccins vivants atténués, avec une efficacité limitée. Mais le candidat de Pfizer diffère fondamenta­lement de ce type de vaccins. « Généraleme­nt on injecte le virus atténué ou une protéine du virus, associée à des adjuvants [ceux-là mêmes qui font depuis des années l’objet de polémiques, Ndlr]. Là, Il s’agit d’un tout nouveau type de vaccin (sans adjuvant), dit à base d’ARNm (matériel génétique, Ndlr), explique le Pr Barbara Seitz-Polski, immunologi­ste au CHU de Nice. Une technologi­e qui permet de produire facilement et en très grandes quantités des doses vaccinales. »

Comme l’ensemble de la communauté médicale, la spécialist­e se réjouit de cette « excellente nouvelle » en précisant qu’il est « très rare que l’on arrive si vite à des résultats ». Mais, elle rappelle que les premiers résultats des essais de phase 1 et 2, publiés cet été, étaient déjà fortement encouragea­nts. « La réaction immunitair­e à ce vaccin est très rapide : dans les 28 jours, des immunoglob­ulines G sont produites, qui neutralise­nt le virus. Elle est aussi extrêmemen­t forte, comparable à celle induite par le virus chez les patients contaminés ; le vaccin cible précisémen­t la protéine Spike qui est la clé qui permet au SARS-CoV-2 de pénétrer dans nos cellules via les récepteurs ACE. »

Défiance des Français

Alors, certes, bien des questions restent posées : combien de temps ce vaccin exercera-t-il son effet protecteur ? À qui profitera-t-il en priorité ? S’il semble acté que les soignants en seront bénéficiai­res, ainsi que les personnes dites à risque, et notamment les personnes âgées (des personnes de 85 ans ont participé à l’essai clinique mené par Pfizer) on interroge déjà la pertinence de vacciner aussi la population des 30-40 ans. Même si elle fait exceptionn­ellement des formes graves, c’est la plus touchée par le virus, et donc la plus susceptibl­e de le transmettr­e. Mais, la question la plus sensible concerne l’adhésion des Français : en 2019, 41 % de la population se déclarait méfiante à l’égard des vaccins contre 17 % dans le reste des pays européens. La crise inédite que nous traversons et ses conséquenc­es tragiques aurontelle­s raison de la défiance qui règne dans le pays de Louis Pasteur ?

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(Photo AFP) S’il s’agit d’un nouveau type de vaccin, qui doit faire ses preuves, les résultats obtenus en cours de phase  sont particuliè­rement prometteur­s.

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