« Il faut en général des années pour inventer un vaccin »
« Cela ressemble à une excellente nouvelle. Nous en avons tous grand besoin au regard de l’état sanitaire actuel sur toute la planète. » Chef du service infectiologie du centre hospitalier universitaire de Nice, le professeur Michel Carles ne fait pas la fine bouche. L’annonce hier par le Dr Albert Bouda, P.-D.G. des laboratoires Pfizer de l’imminence de la mise sur le marché d‘un vaccin contre la Covid-19 a été reçue comme une vrai lueur d’espérance. « Cette découverte n’est pas encore validée scientifiquement. Il s’agit de la communication d’un grand groupe industriel. Pfizer et BioNTech nous expliquent d’ailleurs que les tests à grande échelle, malgré un taux d’efficacité qu’ils évaluent déjà à 90 %, vont se poursuivre. Il nous faut donc rester prudents. » Et de rappeler que les enjeux économiques et financiers liés à l’invention de ce vaccin sont tels que la prime à celui qui découvrira le premier une parade contre la Covid est susceptible d’inciter les grands laboratoires internationaux à multiplier les effets d’annonce.
Pour autant, ce scepticisme tout scientifique, n’empêche pas le chef du service infectiologie du CHU de se montrer plutôt positif. « Il est surprenant qu’un vaccin puisse être ainsi découvert en quelques mois - les premiers essais datent en effet du 27 juillet dernier -, là où, en général, il faut souvent plusieurs années pour mettre au point un sérum d’immunisation. Mais les éléments que fournissent aujourd’hui Pfizer et BioNTech semblent suggérer de vraies avancées. »
Le décryptage qu’il en fait est rassurant. Le candidat vaccin de Pfizer a été testé sur un échantillon important de population, plus de 43 000 personnes aux Etats Unis et partout dans le monde.
« Enrayer l’épidémie »
Il a manifestement démontré sa capacité à produire « un niveau signifiant d’anticorps » ; anticorps qui, testés d’abord en laboratoire, auraient une réelle capacité de neutralisation du virus. « S’il est confirmé qu’il est efficace (ce qui prendra probablement encore des mois), il pourrait enrayer l’épidémie. »
Reste que le professeur Michel Carles attend l’issue de ce test à grande échelle, notamment sur l’efficacité dans le temps de ce candidat vaccin, sur les effets secondaires qu’il pourrait provoquer, avant de se prononcer définitivement. « De plus, d’autres candidats vaccins sont également en cours d’évaluation. »
Si ces derniers réglages devaient s’avérer positifs, il estime que, compte tenu de l‘urgence sanitaire planétaire, ce candidat vaccin, après avoir passé toutes les étapes de validation non plus devant l’opinion publique, mais devant la communauté scientifique, pourrait être mis sur le marché rapidement : « Avant la fin de l‘année, c’est impossible, mais courant, voire même début 2021 cela pourrait être concevable. »