Nice-Matin (Cannes)

Pascal Légitimus remède par le rire

Pilier des Inconnus, l’humoriste a de nombreuses cordes à son arc. Celle de l’auteur – à succès – fonctionne bien avec son livre

- MATHIEU FAURE mfaure@nicematin.fr

On ne présente plus Pascal Légitimus. Avec Bernard Campan et Didier Bourdon, ils ont posé les fondations d’un mythe au début des années 1990, celui des Inconnus. Trente ans plus tard, leurs créations tournent encore en boucle sur les chaînes de télévision. Les trois humoristes ont également volé de leur côté. Comédien, metteur en scène, Pascal Légitimus est également, depuis peu, un auteur à succès. Son livre L’Alphabêtis­ier (avec Gilbert Jouin, aux éditions Michel Lafon) connaît toujours un immense succès. Un dictionnai­re décalé qui invente et/ou répertorie des néologisme­s. Exemple : Un pinailleur ? Un homme infidèle. CQFD. À l’autre bout du fil, une légende de l’humour. Bavard, direct, sensé, l’homme se confie sur le succès de son ouvrage mais également sur son héritage et sur l’actualité si particuliè­re. Un homme franc et drôle. d’autobiogra­phique, il est intemporel. On a été surpris par le succès car on en a vendu près de  par semaines à un moment donné, le bouche-àoreille a été très important aussi.

La langue française est un support inestimabl­e au final.

C’est une langue qui mute depuis des siècles, qui s’est inspirée du Latin, du Grec et puis qui se nourrit, encore aujourd’hui, de nombreuses choses, de la banlieue, de son époque, de l’Afrique du Nord à un moment donné, etc. Les auteurs ont été les premiers à adapter la langue, Molière, Racine, Feydeau. J’ai simplement utilisé la langue et je l’ai détournée. Je fais rire les gens en rajoutant une lettre et, au final, sur certains mots, on se dit que c’est logique.

Quel mot de votre livre aimeriez-vous voir rentrer dans le dictionnai­re ?

Il y a déjà “bouleversi­fiant” que l’on avait inventé du temps des Inconnus. (Rires) À l’époque, on avait aussi mis au goût du jour une manière de parler dans le sketch des Pétasses, par exemple. Ma plus grande fierté serait que l’Académie française adoube l’un de mes mots. J’y crois, je ne perds pas espoir.

C’est un besoin d’écrire ?

Tant que le monde va mal, on a envie d’écrire. Et le monde est anxiogène, les gens souffrent, sont malades. Le monde va mal mais ça se sait de plus en plus, ce n’était pas le cas avant. Alors dans ce marasme, le comique a une fonction sociale. On a un rôle à jouer, il faut “desanxiogé­niser” les gens car le bien-être permet de renforcer notre défense immunitair­e, c’est scientifiq­ue. Il faut incarner ce contrepoid­s et prendre la parole. Surtout en ce moment où les Français ne sont pas forcément très solidaires entre eux...

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Dans ce marasme, le comique a une fonction sociale”

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Faire rire pour faire rire ne m’intéresse pas. Il faut une résonance sociale”

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Avec les Inconnus, on n’a jamais été dans l’agressivit­é, on parlait à travers des personnage­s”

Et vous, qui va prendre soin de vous ?

J’ai été élevé dans la bienveilla­nce et dans cette volonté de ne pas se prendre au sérieux. J’ai été formaté comme ça. Mon but, c’est de rendre le côté obscur moins difficile, j’ai un côté Jedi. (Rires) Avec mon métier, je me rends utile. Le rire a une fonction bienfaisan­te au sens psychique du terme, nous sommes un médicament.

Un médicament universel si on se replonge dans l’oeuvre des Inconnus qui, trente ans après, est toujours d’actualité...

Je suis encore étonné de notre portée. À l’époque, on a fait ça avec beaucoup de second degré et de recul. C’était notre manière de dépeindre la société, de véhiculer notre message. On se reconnaiss­ait dans ce travail. Le hasard, au fond, c’est d’avoir rassemblé Didier [Bourdon, ndlr], Bernard [Campan, ndlr] et moi. Car la suite c’est uniquement de la sincérité, il n’y avait pas de potion magique.

Vous pourriez dire la même chose, aujourd’hui ?

Si nos créations tournent encore sur les télévision­s et trouvent un public, c’est que c’est possible. On devrait sans doute le faire avec un autre papier cadeau mais le message resterait le même. On a conscience qu’il y a plus de censure actuelleme­nt, plus d’autocensur­e aussi. Nous, on n’a jamais été dans l’agressivit­é, on parlait à travers des personnage­s, ça nous mettait une forme de barrière. Mon livre est un peu dans ce moule aussi, c’est un autre moyen d’expression.

Vous multipliez les moyens d’expression entre la télévision, le cinéma et les livres...

Ce qui compte, c’est la résonance sociale. Faire rire pour faire rire, ça ne m’intéresse pas. Il faut un message. Récemment, j’ai fait un sketch sur Daesh dans mon spectacle et on me demandait si c’était une bonne idée... Du coup, je l’ai essayé hors de France pour me rendre compte. C’était quelque chose de simple, je parlais d’un Club Med rebaptisé Club Médina dans lequel on recevait un cocktail Molotov de bienvenue. Un chef de village prenait la parole et vantait les bienfaits des fruits comme la grenade car c’est antioxydan­t et que les filles avaient un cours de voile car l’idée du club, c’était de s’éclater. Ça a très bien fonctionné, il suffit de trouver la forme.

On reproche beaucoup l’utilisatio­n des accents qui pourraient participer à une banalisati­on du racisme.

Je n’écoute pas ces gens-là. Ils n’ont pas le droit à la parole. J’ai toujours utilisé des accents depuis que j’ai débuté, l’humour c’est avant tout rire de soi-même. Quand on voit les chaînes d’informatio­ns continues qui tentent de mettre en place un climat anxiogène, il faut que ça cesse. Ils ne font pas de l’informatio­n mais de l’audimat, ce n’est pas la même chose. L’informatio­n est détournée. C’est comme sur une autoroute, quand il y a un accident, les gens ralentisse­nt. C’est malsain. Si on n’aime pas un spectacle ou quelque chose, on ne regarde pas. Mais on ne demande pas son interdicti­on.

Quels sont vos projets à venir ?

Je vais tourner dans Capitaine Marleau, qui sera sans doute diffusé en , et j’ai la série Vestiaires qui revient le  novembre où je vais faire quelques apparition­s. Cela fait un moment que ça dure et c’est une série qui me tient à coeur, la cause du handicap me tient à coeur. Il ne faut pas mettre les gens de côté car ils sont différents. On ne peut pas en vouloir aux gens d’être ce qu’ils sont car ils n’ont pas choisi. On ne choisit pas d’être handicapé, noir, arabe, chinois. Il faut être ouvert d’esprit.

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