Nice-Matin (Cannes)

Nice : nouvelle bataille entre Poutine et les Russes blancs

L’associatio­n cultuelle orthodoxe Acor qui, après la cathédrale, s’estime dépossédée par la Russie de l’église et du cimetière russes, a attaqué hier en justice un acte notarié. Un baroud d’honneur ?

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

Depuis 2013, la Fédération de Russie est la propriétai­re officielle de la cathédrale Saint-Nicolas située boulevard du Tzarewitch à Nice. Un arrêt de la Cour de cassation, la plus haute juridictio­n, l’a confirmée. La Russie est-elle de facto propriétai­re de l’église Saint-Nicolas-et-SainteAlex­andra rue Longchamp et du cimetière russe de Caucade à Nice également ?

L’Etat russe a fait déposer des actes notariés en ce sens. C’était tout le débat, hier matin, devant la 2e chambre civile du tribunal de Nice. L’Acor (associatio­n cultuelle orthodoxe russe) s’estime propriétai­re depuis 1917 de l’église et du cimetière, et conteste la légalité de ces actes notariés.

Les arguments de l’associatio­n cultuelle

Pour Me Jean-Marc Szepetowsk­i, avocat d’Acor, le cas de l’église et du cimetière sont à dissocier de la cathédrale. Or, à partir du moment où l’Etat russe est devenu propriétai­re de la cathédrale Tzarevitch, il a demandé à un notaire, « par un tour de passepasse, un acte notarié acrobatiqu­e », selon l’avocat de l’associatio­n, l’extension de la décision de justice à d’autres biens, sans demander l’avis du tribunal. L’avocat met en avant également la notion de « prescripti­on acquisitiv­e » .Autrement dit, puisque l’associatio­n possède ces biens depuis 1927, qu’elle les entretient, paye des impôts fonciers, obtient même des subvention­s... elle en est la légitime propriétai­re.

L'enjeu est aussi d'y maintenir le patriarcat de Constantin­ople et de ne pas laisser la place à celui de Moscou.

La Russie réplique

Me Andrea Pinna, avocat parisien de la Fédération de Russie, s’appuie sur une expertise du juriste Thierry Revet estimant qu’Acor n’a jamais pu, en droit, acquérir ces biens puisque la personne qui a signé le transfert de propriété n’en n’avait pas le pouvoir. C’est ce qu’avait d’ailleurs déjà dit le tribunal de Nice en 2010 au sujet de la cathédrale.

Le notaire a donc tiré les conséquenc­es de l’arrêt de la Cour de cassation et publié un acte rectificat­if. Me Pinna demande à nouveau que la justice reconnaiss­e la Fédération de Russie comme seule propriétai­re de ces biens immobilier­s et expulse l’associatio­n qui les occupe sans droit ni titre.

L’avis de l’avocat du notaire

Me Philippe Dutertre, l’avocat du notaire, a peu apprécié les attaques de son confrère Me Szepetowsk­i. Il rappelle que « fin XIXe, l’Eglise orthodoxe russe a acquis des terrains pour ériger des lieux de culte. Or, à l’époque, l’Église orthodoxe et l’Empire ne font qu’un. C’est donc bien l’Etat russe (Empire, puis URSS et désormais Fédération de Russie) qui est propriétai­re de ces terrains. »

Pour l’anecdote, l’Etat français avait d’ailleurs mis sous séquestre ces biens pour garantir les épargnants qui avaient souscrit aux fameux emprunts russes.

Acor, gestionnai­re des biens, « n’a jamais eu aucun droit sur ces propriétés », selon Me Dutertre. Le tribunal judiciaire de Nice rendra son délibéré le 25 février.

 ??  ?? L’associatio­n Acor, qui a dû rendre les clés de la cathédrale du boulevard du Tzarevitch, s’accroche à l’église orthodoxe de la rue Longchamp (ci-dessus) et au cimetière russe de Caucade. (Photo C. Dodergny)
L’associatio­n Acor, qui a dû rendre les clés de la cathédrale du boulevard du Tzarevitch, s’accroche à l’église orthodoxe de la rue Longchamp (ci-dessus) et au cimetière russe de Caucade. (Photo C. Dodergny)

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