Les voyous, l’élu et le policier
Nouvelles interpellations hier, plus de 30 personnes toujours entendues. L’affaire, qui a débuté avec des soupçons de racket à Menton et Valbonne, s’avère de plus en plus complexe
Des nouvelles interpellations ont eu lieu hier dans l’affaire de racket sur fond d’élections municipales à Menton (nos éditions d’hier). Alors que les 32 personnes en garde à vue depuis lundi sont toujours interrogées, l’enquête n’a pas fini de réserver des surprises.
Une fonctionnaire de police serait en effet également entendue sans que, pour l’heure, son degré d’implication dans ce dossier tentaculaire aux 17 chefs de prévention – allant de l’extorsion de fonds, à la corruption active, au chantage jusqu’à la prise illégale d’intérêt et au blanchiment – n’ait pu être établi.
Stupéfiante galerie de portraits
Ces nouvelles arrestations complètent une galerie de portraits qui pose la question de l’éventuelle porosité entre le milieu du grand banditisme et celui de la société civile, voire du monde politique. Inventaire saisissant où l’on retrouve dans les geôles de garde à vue à Nice et Marseille un policier, deux hauts fonctionnaires municipaux de la capitale azuréenne et de Valbonne, le patron d’un restaurant chic des collines niçoises, un agent immobilier, un ancien directeur de police municipale, un couple qui tient une fromagerie, un élu d’opposition de Menton... Et, concomitamment, l’une des figures historiques du milieu azuréen, deux gros trafiquants de stup internationaux, un très discret mais puissant voyou que les enquêteurs sont allés arrêter en Espagne à Malaga, un «retraité du grand banditisme » dont l’un des faits d’armes fut l’organisation d’une évasion spectaculaire en hélicoptère à Amsterdam, un restaurateur proche du milieu, condamné il y a quelques années aux assises pour avoir tiré sur son voisin, des tenanciers de cercles de jeux clandestins du centre de Nice, place Arson et boulevard Gambetta.. Le lien entre eux est encore nébuleux. L’affaire a en effet débuté par des écoutes téléphoniques qui laissaient supposer qu’une vaste opération d’extorsion de fonds se préparait, essentiellement à Menton, mais également dans le secteur de Mougins-Valbonne. De nombreux petits commerçants étaient visés : des restaurateurs, des patrons de bar et des garagistes.
Comptes de campagne à la loupe
C’est un couple de niçois, récemment installé à Menton qui aurait fait le lien entre les mondes du banditisme et de la société civile.
Lui tient un petit restaurant dans le food court de la Gare du Sud à Nice, elle est devenue « mentonnaise » fin décembre 2019 juste avant le dépôt des listes électorales pour les municipales. Elle sera en position non éligible sur la liste menée contre le maire de Menton par Olivier Bettati. Alors que les défèrements devant le parquet de Marseille ont débuté hier avec des premières mises en examen sur le volet des jeux clandestins, les auditions se poursuivent à un rythme soutenu. Sur le volet politique présumé, les enquêteurs cherchent à mesurer le degré d’implication réelle d’une grande figure du banditisme azuréen dans la campagne électorale de l’ancien « bébé Médecin » Olivier Bettati qui, après une carrière politique à Nice, avait décidé de changer de cap : se rapprochant dans un premier temps du Front National, puis quittant l’opposition niçoise pour conquérir Menton.
Si les enquêteurs ont saisi ses comptes de campagne, perquisitionné le cabinet d’avocat de sa compagne, si la présence de personnalités du milieu dans l’entourage d’Olivier Bettati n’est pas contestable, rien pour le moment n’étaye que cette porosité n’est pas le fait de relations d’amitié. Amitié vieille parfois de plusieurs années entre certains membres du staff de l’élu d’opposition mentonnais et des figures du grand banditisme.