Implants PIP : la responsabilité du certificateur au coeur du procès
Au deuxième et dernier jour d’audience devant la cour d’appel de Paris, la pression s’est accentuée sur la société TUV, poursuivie pour avoir certifié pendant plus d’une décennie les prothèses mammaires défectueuses commercialisées par la société PIP (Poly Implants Services). Après que la société allemande eut présenté ses arguments mardi, les plaidoiries des avocats des victimes se sont, en effet, enchaînées hier, produisant un effet d’accumulation redoutable. Et cela d’autant qu’à une défense purement technique, TUV se retranchant derrière les limites de ses prérogatives pour expliquer sa cécité, les avocats des femmes ayant reçu les prothèses défectueuses et des sociétés les ayant commercialisées ont choisi d’opposer des considérations de santé publique.
Leur seul tort ? « Avoir fait confiance »
« Entre 350 000 et 400 000 femmes dans 65 pays sont aujourd’hui porteuses d’implants frelatés. Le monde entier est infesté par des implants estampillés TUV ! », a ainsi rappelé Me Olivier Aumaître, avocat de l’association Pipa, qui regroupe les victimes des pratiques de PIP. «Leseultortde ces femmes est d’avoir fait confiance à des produits labellisés CE », a-t-il souligné, pointant directement la responsabilité de la société certificatrice allemande. Aux arguments avancés la veille par les avocats de TUV, qui estimaient que leur client n’avait pas à effectuer de vérifications sur les produits finis, Me Aumaître a rétorqué avec force. Au contraire, a-t-il assuré, « c’est justement parce que la loi proscrit tout dispositif médical qui ne serait pas conforme aux normes de sécurité et de santé que des sociétés comme TUV existent ! » Un argument martelé à sa suite par Me Jacqueline Laffont, intervenant entre autres au nom de plusieurs centaines de Colombiennes victimes de la fraude pratiquée par PIP : « Cette responsabilité était en quelque sorte déléguée aux sociétés certificatrices par les Etats et l’Union européenne. Et TUV était justement payée pour garantir la sécurité de ces dispositifs médicaux ! » Or, l’avocate dresse un constat implacable : « Les implants PIP, ce sont des défauts deux à six fois plus importants que la moyenne, une durée de vie de trois à six ans là où elle devrait être de dix ans, des risques irritants avérés et une explantation vivement conseillée par les autorités sanitaires à toutes les femmes porteuses de ces prothèses. »
Absence de contrôle élémentaire
Au-delà de la dénonciation de ces impacts humains et sanitaires, les avocats des victimes ont réaffirmé que c’était la passivité de la société certificatrice qui avait permis la mise en place d’une fraude présentée par ailleurs comme assez grossière. Rappelant que PIP avait successivement été, au cours des années 2000, dans le collimateur des autorités sanitaires américaines, anglaises et australiennes, Me Olivier Aumaître a estimé qu’« il appartenait à TUV d’aller voir ce qui se passait chez PIP. Leur responsabilité ne se limitait pas à un dossier papier ! » Argument repris par Me Laffont : « S’il y avait une vérification à faire, c’était celle concernant l’utilisation du Nusil [le composant nécessaire à la fabrication d’implants conformes aux normes européennes, ndlr]. Ce contrôle élémentaire, basique, qui aurait immédiatement permis de détecter la fraude, n’a pas été fait ! » Conclusion de l’avocate : « Si TUV avait joué son rôle, des dizaines de milliers de femmes ne subiraient pas ce qu’elles sont en train de subir. » La cour d’appel rendra son arrêt le 20 mai.