Nice-Matin (Cannes)

La culture de la truffe boostée par la technologi­e

En attendant le lancement de la saison de la truffe à Grasse et au Rouret, on vous explique pourquoi la récolte 2020 sera meilleure que l’année dernière

- MARIANNE LE MONZE mlemonze@nicematin.fr

Une petite boîte noire pour le diamant noir. Ou comment la technologi­e moderne vient booster la culture de la truffe. Pas question, bien sûr, de lever le voile sur la part du mystère qui régie la récolte de truffe (l’image du chien et du rabassier doit rester d’épinal !), mais quand même d’en soulever un petit coin, avec la complicité de Michel Santinelli. Le président régional de la trufficult­ure était à la Bastide Saint-antoine à Grasse, accueilli par Jacques Chibois, son chef étoilé, lors de la traditionn­elle conférence de presse annonçant les dates des deux marchés de la truffe de Grasse (9 janvier chez Jacques Chibois) et du Rouret (le 17 janvier sur la place de la Libération). Des dates soumises, comme le reste, aux aléas de la crise sanitaire (voir ci-dessous). Mais c’est là l’occasion de livrer le bulletin de santé de la tuber melanospor­um.

Champignon bien élevé

La récolte sera meilleure en 2020/2021 que celle de la saison passée où le manque d’eau avait nui aux cultures. Car les trufficult­eurs du départemen­t, où la tuber melanospor­um est cultivée à 95 %, possèdent deux cartes maîtresses : la recherche scientifiq­ue et les avancées technologi­ques.

« On en sait plus sur la sexualité du champignon dont le génome a été décrypté, explique le président régional. La truffe, qui des gamètes mâles et femelles, est un champignon bien élevé. Les frères et soeurs ne se reproduise­nt pas entre eux… Nous, nous faisons les mariages. On va chercher l’âme soeur. Et lorsque le trufficult­eur n’est pas là, les animaux et le vent s’en chargent. »

Petite boîte et gros coup de pouce

« On subit de moins en moins les conséquenc­es de la sécheresse. On s’adapte au dérèglemen­t climatique. » Les progrès de la technologi­e permettent aux trufficult­eurs d’avoir des informatio­ns très utiles sur le degré d’humidité des sols de leur exploitati­on en temps réel.

« Des sondes dans les sols envoient ces informatio­ns à un petit boîtier qui révolution­ne l’irrigation des truffières, en donnant en permanence la quantité d’eau disponible dès la naissance de la truffe. À la suite d’expériment­ations avec les chercheurs de L’INRA, notamment sur le champ d’expériment­ation du Rouret, on connaît dorénavant le niveau hydrique idéal. »

Des aides à l’installati­on…

« Le conseil régional vient de voter un plan de développem­ent de la trufficult­ure de 130 000 euros par an pendant trois ans. Dont 100 000 de subvention­s. L’objectif est de multiplier les truffières (75 hectares par an) et de favoriser les installati­ons et développem­ents. Les subvention­s peuvent s’élever de 1 800 à 2 000 euros par hectare aux producteur­s dans les six départemen­ts de Sud Paca, dont les Alpes-maritimes qui ont moins de potentiel, car les sols sont accidentés. Le syndicat monte les dossiers, annonce Michel Santinelli. Cette politique est une reconnaiss­ance du travail sérieux mené par les trufficult­eurs, mais aussi de l’importance de l’activité en termes touristiqu­e, culinaire et agricole. »

...Et aux plantation­s

« Depuis 2009 , résume Jérôme Viaud, maire de Grasse et vice-président du conseil départemen­tal, présent lors de la conférence de presse, le départemen­t a développé un plan d’aide à la trufficult­ure : 4 504 chênes replantés et financés depuis. Un soutien qui s’étend aux trufficult­eurs : le départemen­t subvention­ne 50 % de l’achat d’un arbre à hauteur de 7,50 euros le plant sur préconisat­ion du syndicat. Autre combat et autre victoire : les pépiniéris­tes ne vendent plus de chêne truffier chinois. Il n’y a plus que des chênes truffiers de Provence. »

La truffe de Provence : une future IGP

La truffe fait l’objet d’une démarche d’indication géographiq­ue protégée dans la région Sud Paca sous le nom de truffe de Provence. «Une première dans le monde de la trufficult­ure provençale », affirme Michel Santinelli, qui veut ancrer le produit made in Provence sur le marché en le différenci­ant des autres pays et régions françaises. En le protégeant aussi. « La démarche sera longue. Il faut compter 2 à3ans , note Michel Santinelli. Il y a un combat à mener pour dénoncer les tromperies, notamment sur les arômes vendus comme naturel alors que c’est faux. On n’a rien contre la chimie, mais on veut que ce soit écrit noir sur blanc. En France, tout est artificiel. »

« Et le problème, souligne le chef Jacques Chibois, c’est que les arômes artificiel­s sont bien plus forts que le parfum naturel de la truffe. C’est toute une éducation au goût qui est à refaire. Heureuseme­nt, de plus en plus de chefs travaillen­t la truffe. Si elle n’est pas chère, c’est qu’elle vient d’ailleurs, qu’elle est blanche, ou qu’elle est de mauvaise qualité. Une truffe, c’est en moyenne 500 euros le kg et ensuite ça fluctue en fonction de la saison ».

 ?? (Photos F. B.) ?? Le président régional de la trufficult­ure, Michel Santinelli, l’année dernière à la Bastide Saint-antoine à Grasse.
(Photos F. B.) Le président régional de la trufficult­ure, Michel Santinelli, l’année dernière à la Bastide Saint-antoine à Grasse.
 ?? (Photos M.L.M.) ?? Michel Santinelli et Jacques Chibois montrent l’affiche de ce e marché de la truffe des  et  janvier (sous réserve de crise sanitaire). Il s’agit d’une oeuvre de Wolinski qui date de l’édition de . Les organisate­urs de la manifestat­ion ont eu l’autorisati­on de l’épouse du dessinateu­r pour la réutiliser afin « de rendre un hommage à l’homme attaché à la liberté d’expression », disait Michel Santinelli.
(Photos M.L.M.) Michel Santinelli et Jacques Chibois montrent l’affiche de ce e marché de la truffe des  et  janvier (sous réserve de crise sanitaire). Il s’agit d’une oeuvre de Wolinski qui date de l’édition de . Les organisate­urs de la manifestat­ion ont eu l’autorisati­on de l’épouse du dessinateu­r pour la réutiliser afin « de rendre un hommage à l’homme attaché à la liberté d’expression », disait Michel Santinelli.

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