No Man’s Land
Série franco-israélienne consacrée au conflit syrien, l’oeuvre débarque sur Arte et s’attaque à travers des parcours de vie singuliers à un conflit destructeur.
Dans son gros début de saison, No Man’s Land est au catalogue séries d’arte ce qu’on appelle la locomotive. On a déjà vibré devant Kidnapping et Moloch mais No Man’s Land place la barre encore plus haut. Vous pouvez d’ores et déjà vous installer confortablement dans votre canapé pour dévorer la série coup de poing de cette fin d’année. Pourtant, le sujet n’a rien de joyeux. Nous voilà en 2014 en pleine Syrie quand un frère, persuadé que sa soeur est morte, se retrouve embarqué sur le front entre les forces kurdes et l’état islamique pour retrouver sa soeur qu’il a cru reconnaître sur une vidéo d’une attaque à la bombe. Au casting, un trio francophone composé de Félix Moati (Si tu vois ma mère, Deux fils, Le Grand Bain), Mélanie Thierry (La Douleur, Au revoir là-haut) et Souheila Yacoub (Les Sauvages) encadré par des acteurs britanniques comme James Purefoy (Altered Carbone, Following, Rome) et surtout la révélation James Krishna Floyd. Dès le départ, la série s’est construite sur des bases solides.
Fruit d’une collaboration entre des talents français et la fine fleur de la télévision israélienne, No Man’s Land s’est adjugé les services de grands talents. C’est simple, des producteurs Maria Feldman (False Flag ) et Eitan Mansuri (Foxtrot, When Heroes Fly) aux scénaristes Amit Cohen (False Flag ) et Ron Leshem (Euphoria), en passant par la collaboration du Français Xabi Molia (Comme des rois, Les Conquérants), le talent s’est emparé de la genèse de la série. La suite est un petit bijou qui se décline sur huit épisodes.
Avant de débarquer, ce soir, sur Arte à raison de deux épisodes chaque jeudi, la série a été préachetée par la plateforme américaine
Hulu pour être diffusée en novembre aux États-unis. HBO Europe en a, par ailleurs, acquis les droits pour le territoire européen, signe d’un engouement monstre. Les scénaristes avaient, d’entrée, visé l’excellence. « Depuis nos débuts, nous aspirons à créer une série comme No Man’s Land. Un thriller qui soit à la fois une histoire de famille, d’amour et de guerre. Nous voulions aussi montrer un mouvement de résistance de l’intérieur », détaille le showrunner Ron Leshem.
Une histoire de prise de position
Pour son acolyte Amit Cohen, la production franco-israélienne va plus loin. « Pendant l’écriture, nous avons beaucoup pensé au roman Pour qui sonne le glas d’ernest Hemingway, qui s’inspirait de son expérience de journaliste de guerre pendant la guerre d’espagne, et posait la question de l’engagement. Qu’est-ce qui fait qu’on prend position dans une guerre qui n’est pas la sienne ? »
No Man’s Land c’est ça.
Une histoire de prise de position. De chacun.
Le point de départ met en scène la naissance de l’état islamique qui, de victoire en victoire, étend rapidement son emprise en Syrie. Sur place, seule une force parvient à bloquer sa progression vers le nord : l’armée de guérilla du peuple kurde. Mal connue et souvent mal comprise en France, la lutte des Kurdes pour leur indépendance dure depuis des siècles aux confins de la Turquie, de la Syrie et de l’irak. Nourri par le marxisme puis par le libertarisme, leur mouvement de libération promeut un idéal de société progressiste et égalitaire. Les milliers de combattantes du YPJ (des unités exclusivement composées de femmes) portent sur la ligne de front un féminisme conquérant aux antipodes du sexisme radical de Daech. Ainsi, par un hasard de l’histoire et de la géographie, deux forces aux valeurs exactement opposées se heurtent de plein fouet dans les jours les plus brûlants de la guerre syrienne. Du monde entier affluent des volontaires venus défendre l’une ou l’autre de ces visions du monde.
C’est au coeur de ces volontaires que la série va naviguer durant huit épisodes. Il y a bien entendu Félix Moati qui cherche sa soeur jouée par Mélanie Thierry. Mais on va rencontrer des personnages secondaires à la fois effrayants et charismatiques. Une jeune française engagée chez les Kurdes, trois amis d’enfance londoniens qui se retrouvent, ensemble, du côté de Daesh avec trois visions différentes du conflit.
Chacun doit apprendre à vivre avec ses démons et sa découverte d’un conflit qui n’a pas de billet retour. « La série raconte justement la violence de l’apprentissage » , détaille Félix Moati. On bascule derrière les idéaux, on navigue en apnée, happé par ces tranches de vie qui, si loin de l’europe, ont trouvé un autre sens. Il y a la morale, l’honneur et surtout ce qui doit être fait. No Man’s Land raconte forcément un quotidien violent, dur, sans filtre et parfois terrifiant mais il parle aussi de causes et de conséquences.
Tout le savoir-faire israélien en matière de narration (des flash-back superposés) donne à la série une vraie vivacité.
Ce n’est pas linéaire. C’est tortueux. Parfois frontal. On se retrouve à mi-chemin entre le Babel d’alejandro Gonzalez Inarritu et la brillante série anglaise The State consacrée à l’état islamique sortie en 2017. Voici une série qui fait réfléchir, qui dérange, qui questionne sur l’engagement de chacun et la rapidité avec laquelle l’être humain bascule dans le chaos. Bref, No Man’s Land est une merveille. Sans aucune fausse note.
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Un thriller qui soit à la fois une histoire de famille, d’amour et de guerre”
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La série raconte la violence de l’apprentissage”