Nice-Matin (Cannes)

Suzanne 109 ans de bonheur

Née le 3 décembre 1911 dans le Calvados, Suzanne Lassalle a rejoint la cité des festivals au début des années trente, pour ne plus la quitter. Une « flèche », qui fait la fierté des siens

- P. F. pfiandino@nicematin.fr

Àelle seule, un remède contre la sinistrose. Jour de fête, hier, rue du Pont Romain, où Suzanne Lassalle – « Olivier-lassalle » corrige-t-elle d’emblée – a célébré son 109e anniversai­re. Gâteau, boîtes de chocolats, bouteille de champagne...

Il ne manquait rien, si ce n’est tous les membres de son (immense) tribu familiale – foutue Covid... – présents par la pensée, sur les innombrabl­es clichés qui tapissent l’appartemen­t qu’elle occupe.

Rassurez-vous, elle n’était pas seule, Suzanne, pour souffler toutes ces bougies : aux côtés de Corinne, son auxiliaire de vie depuis cinq ans, trois génération­s réunies : Josiane, la petite-fille, Sylvie, l’arrière-petite-fille et Melissa, l’arrière-arrière-petite-fille.

« J’ai tout pour plaire, hein ? »

« Je suis très bien entourée et, croyez-moi, elles ont de la patience..., s’amuse-t-elle. Je suis à moitié sourde, je n’y vois pas très bien. J’ai tout pour plaire, hein ? » Le décor est planté. Radieuse, rieuse, la doyenne de la cité des festivals. « J’aime bien blaguer », euphémise Suzanne. « Et draguer, aussi », complète Sylvie, hilare. « Ça va, je ne suis pas trop moche ? » renchérit son arrièregra­nd-mère. Radieuse, on vous dit...

Née le 3 décembre 1911 à Lisieux (Calvados), « dans la même ville que sainte Thérèse de l’enfant Jésus », c’est au tout début des années 1930 qu’elle rejoint la commune. « La date exacte, je ne m’en souviens plus, c’est tellement vieux... Il n’y avait pas grand-chose : Le Suquet, son église, la Caisse d’épargne et trois pêcheurs » se marre-t-elle. D’ailleurs, elle épousera l’un d’entre eux, Jean Olivier. Le jour de leur mariage, par contre, elle s’en rappelle limpidemen­t : «Le12mai193­5;onnous avait dit de ne pas nous marier en mai, parce que ça porte malheur. Mais...» Haussement d’épaules.

L’avenir a prouvé le contraire. Une arrivée dans le Sud, donc, après un passage par la capitale. « Je travaillai­s à Paris comme femme de ménage et cuisinière. Une boniche, comme on disait vulgaireme­nt. » Quand sa patronne se rêve des envies de Côte d’azur, elle la suit jusqu’à Cannes. Elle ne s’en ira plus jamais.

Elle a connu Drucker... avant Drucker

Ce « pas grand-chose » – sympa pour la Croisette et ses palaces, déjà en place... – elle l’a vu se transforme­r au fil des décennies. La guerre ? N’en parlons pas ; elle préfère se remémorer Le Suquet et ses pointus enneigés, lors de la dantesque vague de froid qui toucha l’europe en février 1956.

Il y a le festival du film, bien sûr, qu’elle a vu naître en 1946. «Jeme souviens de Michel Drucker au Majestic, quand il était encore reporter sportif. Avant qu’il ne devienne Michel Drucker quoi...» Elle a, aussi, travaillé pour des artistes, notamment l’actrice Renée Saintcyr, maman de Georges Lautner, qu’elle a rencontré. Ses infidélité­s à Cannes ? Des voyages, nombreux. « J’ai roulé ma bosse partout. »

New York à  ans

Avant d’évoquer l’amérique du Nord, elle stoppe, le temps d’une blague à Sylvie : « Vous êtes qui ? » Éclats de rire. « Elles sont méchantes avec moi, mais j’ai un bâton pour me défendre. » Sylvie, avec laquelle elle a visité New York, «à80 ans. Je suis aussi allée au Texas, au Grand Canyon [Arizona], voir les fusées de la Nasa [à Cap Canaveral, en Floride], au Canada...» Anne, son infirmière, arrive alors, une boîte de chocolats sous le bras et lui demande si elle va passer dans le journal. Réplique : « Ben, je mérite un peu quand même. » Suzanne se tourne vers nous : « Vous en avez, des vieux comme moi ? Il y avait celle qui aurait fraudé [Jeanne Calment, doyenne de l’humanité, décédée à 122 ans en 1997] et changé ses papiers avec sa fille. Je n’ai rien compris à cette histoire...» L’humour, la bonne humeur, les voyages : secret de sa longévité ? « C’est le Bon Dieu qui me protège. Bon, si vous n’êtes pas croyants... Je ne critique pas, mais on ne rigole pas avec la religion. »

Le Bon Dieu et ses anges gardiens, Josiane, Sylvie, Melissa, Corinne, Anne et tous les autres...

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 ?? (Photo Patrice Lapoirie) ?? Près d’un siècle sépare Suzanne et Melissa, l’un de ses quatre arrières-arrières-petits-enfants. Ça méritait bien une photo souvenir, hier, dans l’appartemen­t de la rue du Pont Romain. Et une petite coupe de champagne ; ou deux...
(Photo Patrice Lapoirie) Près d’un siècle sépare Suzanne et Melissa, l’un de ses quatre arrières-arrières-petits-enfants. Ça méritait bien une photo souvenir, hier, dans l’appartemen­t de la rue du Pont Romain. Et une petite coupe de champagne ; ou deux...

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