Il faut sauver la Princesse de Siam du port du Croûton
Amarrée depuis 26 ans au port de Juan, cette jonque a coulé. Renflouée ces derniers jours puis remorquée à Gallice, elle espère une seconde vie...
Ce n’est pas dans le port de Saïgon. Mais dans celui du Croûton qu’était amarrée cette jonque chinoise. Silencieuse mais pas à ce point sournoise pour que les Européens s’y glissent quand la nuit se fait propice (1). Mais voilà qu’au début du mois, les anciens du petit port juanais ont accouru pour constater la disparition de ce bateau fétiche : La Princesse de Siam, jonque de neuf mètres, avait coulé pendant la nuit. Cette embarcation traditionnelle d’asie, appartenait à René Nicolaï, décédé en juillet dernier. Et désormais la propriété de son frère Christian, dit Titi.
Il y a trois jours, les plongeurs de la société Sobral ont renfloué la jonque pour la remorquer vers les chantiers navals du port Gallice. C’est l’association du Croûton qui a pris en charge les frais de cette opération tout comme le balisage antipollution dirigé par la société Ecotanck.
À quai depuis
Mais que va devenir La Princesse de Siam ? Christian Nicolaï est inquiet. « Dès le naufrage constaté, j’ai tout de suite appelé mon assurance. Elle a dépêché sur place un expert qui a conclu, en voyant l’embarcation au fond de l’eau prise dans la vase, à sa vétusté. Et ne présentant aucune valeur. Résultat, la jonque est restée deux semaines immergée. Le moteur était neuf, il aurait pu être sauvé, tout comme l’infrastructure en bois de qualité. Je n’ai pas les moyens de la restaurer et surtout je n’ai plus de place au port du Croûton. »
Tout le monde connaissait René Nicolaï, d’origine corse, mais juanais depuis 1962. Marin, sportif, bourlingueur, sa vie s’est ralentie le jour où, victime d’un accident de la route, il perd l’usage de ses jambes. Son seul passe-temps : assis dans son fauteuil, il passe des heures sur le quai du port du Croûton à contempler sa Princesse de Siam.
Une jonque sortie d'un chantier de Hong Kong en 1981, « l'année de mon accident, un signe… », aimait-il à rappeler.
Cette embarcation, René Nicolaï était allé la chercher à Saint-raphaël. Elle avait été importée à Hambourg puis avait passé quelques années à Saint-tropez avant d'être laissée à l'abandon dans le port varois. «Je suis allé la voir. Elle était toute pourrie mais je l'ai prise sans discuter le prix. » À l'époque, beaucoup avaient traité René Nicolaï de fou. « On me disait que j'avais acheté un tas de bois. »
Voir la baie d’ha Long
Après un premier passage sur un chantier de Cannes, La Princesse de Siam flottait de nouveau. « Ensuite, il m'a fallu une bonne année pour la retaper entièrement. Avec l'aide de copains et d'un menuisier, Alain Bottero, comme on n'en fait plus », aimait à souligner René Nicolaï. Son frère, Titi, se souvient : « Mon frère venait tous les jours, été comme hiver pour poncer, vernir, bricoler. Parfois il dormait dedans. » À l'intérieur, justement, ambiance zen. Du bambou, des abat-jour asiatiques, des banquettes en tissu rouge. Titi naviguait souvent avec René : « Son rêve, c'était de l'amener en Corse, en Balagne, pour naviguer sur sa Princesse de Siam en compagnie de sa princesse de coeur. »
Mais il avait un autre objectif aller un jour dans la baie d'ha Long, au nord du Vietnam. Une baie avec sur l'eau des milliers de jonques. Des cousines lointaines qui, ici, ne croisent que des bateaux en plastique blanc. Et maintenant que va devenir cette jonque, véritable patrimoine du port du Croûton ? Les amis de René songent à lancer une souscription afin qu’un mécène se déclare.
1. Quelques paroles librement inspirées de la chanson
Opium composée en 1931 par Guy d’abzac et Charlys. Lors de la guerre d’indochine, ce chant fut adopté par les soldats des troupes de marine évoquant ici la nostalgie de la métropole. Entre autres artistes, Jacques Dutronc l’a remise au goût du jour et faite découvrir aux jeunes générations.