Nice-Matin (Cannes)

L’hymne à la joie des soeurs Berthollet

Ces inséparabl­es virtuoses ont mis une bonne claque à la classique musique classique dont elles sont des ambassadri­ces rock’n’roll. Rencontre avec deux phénomènes attachants.

- RAPHAËL COIFFIER rcoiffier@nicematin.fr

Fait rare : les deux soeurs sont séparées. Julie est à Paris. Camille à la campagne. Bonté divine, l’éloignemen­t ne saurait durer. Foi de Berthollet. Virtuoses passées maîtresses dans l’art du dépoussiér­age de la musique classique. Celle qui, en classe de 6e, nous forçait à souffler dans la flûte sur un air de charge héroïque... Le duo a pris le virage inverse. Filant une bonne petite claque sur les fesses de Beethoven et Mozart. En fait, il y a du rock en elles. Une sorte de rebelle attitude. Moderne. Fraîche. Impossible d’ailleurs de leur enlever leurs sourires. Leurs rires. Tout est prétexte à l’amusement...

Pourtant, depuis leur plus tendre enfance, elle taquine l’archet. Du violon. Du violoncell­e. Devenus leurs meilleurs compagnons. Leurs confidents des émotions. « Nos bébés » lancent-elles de concert... À quatre ans, Camille, la cadette, s’apaise à l’écoute de chants grégoriens. Au même âge, Julie sait déjà lire. Bizarre, vous avez dit bizarre... Attendez la suite de la chevauchée des Walkyries. À l’adolescenc­e, elles partent à Vienne et suivent les cours du Russe Zakhar Bron. Donnent déjà, depuis quelques années, des représenta­tions. À Genève, aux États-unis, en France. Toujours accompagné­es par leur maman.

« Lorsque Camille a remporté l’émission Prodiges, sur France 2, tout s’est accéléré, raconte son aînée. Les portes de salles moins classiques se sont ouvertes. On a signé chez Warner, ce qui nous a permis de toucher un plus large public... ».

L’amusement comme fil rouge

Peut-être moins élitiste. Moins spécialisé. Un public impatient de les écouter. Mais également de les voir. À l’oeuvre. En chair et en os. Tant elles bousculent les codes.

« C’est vrai qu’on a envie de faire aimer cette musique à la nouvelle génération poursuit l’ordonnée Camille. Elle peut toucher tout le monde comme elle nous a touchées enfant. Rassembler les génération­s et ça rajoute à notre motivation. »

Déjà qu’elles jouent environ sept heures par jour. Sans la moindre lassitude. « Ce n’est pas une torture académique et ce ne l’a jamais été. On n’a pas non plus connu de moments de rébellion. C’est un plaisir. Et on a toujours voulu faire ça. En plus, on est toutes les deux ! » Oiseaux aux plumages feux inséparabl­es. À la vie comme à la scène. Envoûtants phoenix renaissant à chaque note. En particulie­r celles des Quatre saisons de Vivaldi. Leur mignardise avouée qu’elles ont su magnifier avec la beauté du diable... « On fait les choses comme on les sent. On aime prendre des risques. Il faut oser pour que ce soit beau, s’empresse de préciser la fougueuse Julie. Ça nous correspond On s’amuse bien... » L’amusement, le fil rouge de ces comètes au prélude de leur trajectoir­e. Fulgurante. Chut. Silence. Elles sont gênées. Embrayent, en éludant la parenthèse talent.

«On ne se dit pas : “Waouh, on est incroyable­s”. On essaye juste d’aller plus loin. De faire mieux. » De s’ancrer dans leur époque. De communique­r leur passion. Au plus proche du public. « On est attentives à ses réactions. On réagit à l’atmosphère... »

Comme des artistes. Dont le Graal n’est autre que l’échange, via la magie musicale. Avec ce grain de folie qui leur est propre. Cette créativité débordante. Cette volonté de sortir des sentiers battus. À l’image de ces standards de la chanson française qu’elles adorent revisiter. De Vesoul au Sud, en passant par S’il suffisait d’aimer de Céline Dion. Ah, Céline Dion, Camille en est fan absolue. « Jouer avec elle ? C’est mon rêve. Ce serait immense... » Elle ne se l’interdit pas. « Il faut y croire. » Comme, demain, remplir le Stade de France et déchaîner les frissons de tout un peuple à l’unisson.

Camille

Un nouvel album qui va surprendre

« On a participé à un concert au stade de Lille, c’était fou. Alors, à Paris, toute cette énergie, ce serait le pied », ajoute Julie. Fan de foot, comme sa soeur. À ce propos, elles ont une anecdote. « Pour une finale de Ligue des Champions, on a interprété l’hymne de L’UEFA. C’était top. Surtout qu’après on a vu le match et la victoire du Real Madrid ! »

À croire que du haut de leur vingtaine à peine frappée, ce tandem a déjà vécu mille tomes. Or, elles en ont encore à écrire et pas uniquement au baby-foot où, là encore, elles excellent. Avis aux amateurs... « On est perpétuell­ement dans l’après. On travaille sur la suite. D’ailleurs, on est en train d’affiner la playlist de notre prochain album et ça va surprendre.

C’est défi... »

Et le défi, elles en raffolent. Notamment Julie qui s’avoue « plus bordélique que Camille. Au contraire, très carrée. Franche ». Son double, à son tour de confier : « Ma soeur est si intelligen­te et si rigolote... ». Il n’y aurait pas de l’amour, là ? « Oui, on est fusionnell­es. Ça se voit. On habite ensemble. On a besoin l’une de l’autre. »

Une force commune pour passer l’écueil de la crise sanitaire. « C’est forcément dur. Les concerts nous manquent. La date de reprise est sans cesse reportée. À tel point que notre producteur est sous xanax. Je blague ! »

Joyeux démons que Camille et Julie Berthollet. Un bonbon Têtes brûlées. À la fois sucré et corsé. Du genre à ne laisser personne indifféren­t. Ce n’est pas un hasard si leur dernier album, Nos quatre saisons, a été couronné de succès. « En plus, il y a, outre le CD, le DVD et le vinyle. On est trop contentes. » Une joie communicat­ive. Qui fait zip, shebam, pow, blop, wizz à qui se laisse emmener dans leur univers aussi profond que le lac Baïkal et aussi léger qu’une fragile bulle de savon.

À découvrir dès que la brume se dissipera sur la région. «Onadéjà joué dans les Alpes-maritimes, mais pas dans le Var je crois. On est partantes. » Rendez-vous est pris avec ces tornades, ambassadri­ces de l’hymne à la joie ! un

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Jouer avec elle (Céline Dion) ? C’est mon rêve. Ce serait immense”

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On fait les choses comme on les sent. On aime prendre des risques. Il faut oser pour que ce soit beau”

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