La semaine de Claude Weill
Mardi
C’est la nouvelle mode à l’assemblée nationale : faire savoir urbi et orbi qu’on ne prendra pas part au vote. Des députés qui ne votent pas parce qu’ils sont absents, ou indifférents, c’est courant. Mais là, c’est assumé, revendiqué comme un acte de résistance.
Il y a quelques jours, c’étaient les oppositions de gauche et de droite qui refusaient de prendre part au vote sur les nouvelles mesures sanitaires.
Aujourd’hui, c’est La France Insoumise qui refuse de prendre position sur la date des régionales.
Ni pour ni contre, bien au contraire. Etrange manière d’exercer son mandat. Certes, c’est frustrant, souvent décourageant d’être dans l’opposition. On a l’impression de faire tapisserie. Mais être député ne donne pas seulement des droits. Cela crée des devoirs. Prendre position sur les sujets d’importance en fait partie.
Un député, ça vote pour ou ça vote contre, éventuellement ça s’abstient, mais ça vote. Ne pas prendre part, c’est n’avoir aucune opinion. C’est se laver les mains de ce qui peut advenir. Et dans les circonstances présentes, ce n’est pas glorieux.
Mercredi
Isoler les ressortissants français à leur retour du Brésil ? « On y réfléchit », élude le secrétaire d’etat aux Affaires étrangères. Envie d’ironiser : prenez votre temps, on n’est pas pressé... Vu la situation du Brésil, où l’on a enregistré jusqu’à morts du Covid- en une journée (plus du quart des décès dus à la pandémie dans le monde !), cette propension à tergiverser est incompréhensible. Hier, c’était le Premier ministre qui évoquait, au conditionnel, l’adoption de nouvelles mesures… quelques heures avant d’annoncer – sous pression – l’arrêt immédiat des vols entre le Brésil et la France. Pas trop tôt ! Mais ce n’est en réalité un pis-aller. Interdire (temporairement) les vols, c’est reconnaître que nous ne faisons pas confiance à notre dispositif de contrôle aux frontières. Et on a, hélas, raison. Un test PCR de moins de heures, ce n’est pas une garantie (la personne a pu se contaminer juste avant ou après). L’engagement « sur l’honneur » de respecter une quarantaine de sept jours, c’est une blague. La quarantaine n’a de sens qu’obligatoire et contrôlée. Ce qui veut dire : prévoir des lieux d’accueil et des personnels dédiés. Dans le monde de la Covid, où le virus est appelé à circuler encore longtemps, où l’émergence de nouveaux variants n’est pas une éventualité mais une certitude, il est urgent que la France et l’europe remontent leur garde et musclent leur veille sanitaire aux frontières. Entre la quasi-captivité que certains pays asiatiques imposent à leurs visiteurs et le manque de vigilance des Européens, il y a un point d’équilibre à trouver. Vite !
Jeudi
Tout va très bien, tout va très bien… On se demandait ici, la semaine dernière, si la maire de Paris saurait entendre la grogne des Parisiens contre la dégradation de leur ville. On a la réponse : la capitale est plus belle depuis qu’anne Hidalgo est aux responsabilités.
Selon elle, la vague de doléances qui s’expriment sous le hashtag saccageparis est une opération de dénigrement orchestrée par l’opposition et noyautée par l’extrême droite.
Pour preuve, la mairie fera fuiter la prétendue étude « confidentielle » d’un prétendu cabinet spécialisé dont les conclusions – voyez comme le monde est bien fait – confirment : tout ça n’est qu’une méchante cabale partisane. Beaucoup de fumée sans feu.
La suite, on la devine : comme il arrive quand on essaie d’éteindre les flammes avec de l’essence, l’incendie est reparti de plus belle !
Vendredi
C’est le débat qui s’impose – ou qui devrait s’imposer. L’éléphant dans le couloir qu’on s’applique à ne pas voir. Les personnes vaccinées pourront-elles bientôt retrouver une vie normale ? Si oui, quand, à quelles conditions ? Derrière cette question, il y a l’éventualité d’un passeport sanitaire – sur le modèle du coronapas danois – qui permettrait aux vaccinés et aux anciens malades immunisés de retourner au restaurant, au café, au spectacle. Tandis que les adversaires se déchaînent contre ce qu’ils considèrent comme un outil de discrimination et de surveillance, personne n’ose vraiment soutenir le point de vue opposé, et le gouvernement joue la prudence :
« L’option reste sur la table », dit évasivement le porte-parole.
C’est que nous sommes en France, où la passion de l’égalité et la haine des privilèges s’accommodent mal de l’idée qu’il puisse y avoir un double standard entre les citoyens.
Oui, que certains aient le droit de sortir et faire la fête et les autres pas, c’est problématique. On entend l’argument. Surtout lorsque tant de candidats au vaccin attendent encore leur tour.
A quoi on peut objecter que : . Accorder aux uns n’enlève rien aux autres. Pourquoi maintenir toute la population sous cloche quand bientôt la moitié des adultes devraient pouvoir en sortir (on estime que , millions ont déjà contracté la Covid ; autant ont reçu au moins une dose de vaccin) ;
. S’il faut attendre que tous les Français aient été vaccinés, on peut attendre longtemps. Car il reste un fort quota de réfractaires. Il ferait beau voir que ce soient eux qui décident pour les autres, et finalement privent tout le monde des bienfaits du vaccin.
Donc oui, ouvrons le débat : nous avons tous écrasé une larme devant le petit film de la mamie enfin autorisée à serrer ses petits dans les bras. C’est pour quand ?
« Au Palais-bourbon, c’est frustrant, souvent décourageant, d’être dans l’opposition.
On a l’impression de faire tapisserie. »