Nice-Matin (Cannes)

Rappel pour Astrazenec­a : « il est urgent d’attendre »

La France propose un rappel avec Pfizer pour les moins de 55 ans ayant reçu une dose d’astrazenec­a. Responsabl­e du centre de vaccinatio­n Covid du CHU de Nice, le Pr Pierre Marty est partagé.

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Deux doses d’astrazenec­a sinon rien. Le 23 avril dernier l’agence européenne des médicament­s (EMA) mettait fin au débat avec ces recommanda­tions des plus claires. Ou plutôt croyait-elle le faire. Car, aussitôt, la France, emboîtant le pas de l’allemagne, adoptait une stratégie tout autre, influencée sans aucun doute par l’accueil très défavorabl­e réservé à ce vaccin (nouvelleme­nt appelé Vaxzevria) par le public après que des effets indésirabl­es (thromboses) très rares mais graves ont été rapportés.

Technique étudiée que chez l’animal

L’avis de la Haute Autorité de Santé est donc le suivant : pas d’astrazenac­a pour les moins de 55 ans. Pour les Français de cette tranche d’âge ayant déjà reçu une dose de ce vaccin (soit plus de 500 000 personnes), le rappel se fera obligatoir­ement avec un vaccin à ARNM, Pfizer en l’occurrence, le plus abondammen­t présent sur le marché français. Une stratégie qui s’affranchit d’essais cliniques préalables, puisqu’à ce jour, l’efficacité d’une vaccinatio­n hétérologu­e (vaccins administré­s en première et seconde doses différents) n’a été étudiée que chez l’animal.

Préoccupée­s par des risques de thromboses chez des personnes de moins de 55 ans, les instances sanitaires semblent ainsi bien peu s’inquiéter de tester en vie réelle une stratégie vaccinale inédite. Sera-t-il efficace ? Comment déterminer le délai entre la première et la deuxième injection faute d’essai chez l’homme ? Autant de questions sans réponses qui ne semblent pas les perturber. Mais qui placent les médecins dans une situation pour le moins inconforta­ble.

Rappel à l’automne ?

Responsabl­e du centre de vaccinatio­n Covid de l’archet 1 (CHU de Nice), le Pr Pierre Marty avoue être partagé entre ses conviction­s personnell­es et les obligation­s associées à sa fonction : « De nombreuses études, conduites au Royaume-uni notamment, montrent qu’avec une seule dose du vaccin Astrazenec­a, 90 % des gens sont correcteme­nt immunisés ; c’est d’ailleurs le schéma prévu pour le vaccin Janssen, basé sur la même technologi­e. Ne pourrait-on dès lors pas proposer un test sérologiqu­e aux personnes dans cette situation pour confirmer la présence d’anticorps, et attendre l’automne, pour proposer le rappel, en s’appuyant sur des études plus poussées ? À mon sens, et dans le contexte, il est urgent d’attendre. »

Recommanda­tions gouverneme­ntales

Il s’agit là des propos du spécialist­e des maladies infectieus­es qui n’hésitait pas récemment à interpelle­r le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors d’une visioconfé­rence : « Pourquoi la France demande-t-elle de « switcher » pour le rappel d’astrazenec­a, alors que l’europe recommande de poursuivre avec le même vaccin ? » Une question restée sans réponse. « En tant que responsabl­e d’un centre de vaccinatio­n, je n’ai d’autre choix aujourd’hui que de respecter les recommanda­tions gouverneme­ntales », résume le Pr Marty. Pour les moins de 55 ans ayant reçu une première dose d’astrazenec­a, ça sera donc du Pfizer en rappel.

Pourquoi pas les plus de  ans ?

Quid des plus de 55 ans, pour lesquels il est par contre toujours recommandé un rappel par Vaxzevria ? Le gouverneme­nt essaierait-il d’écouler ses stocks grandissan­ts d’astrazenec­a ? Cette fois, le Pr Marty s’affranchit des exhortatio­ns gouverneme­ntales, et distribue également du Pfizer : « Si je suis en dehors des clous pour les plus de 55 ans, j’en assume la responsabi­lité. On autorise la vaccinatio­n hétérologu­e pour les moins de 55 ans, je ne comprends pourquoi elle serait interdite chez les plus de 55 ans ! »

Le public non plus ne semble pas comprendre : «Les gens ne veulent plus que du Pfizer, peu importe le type de vaccin qu’ils ont reçu au préalable. Il est fréquent que certains, primo-vaccinés (1re injection) avec Astrazenec­a se présentent au Centre avant même le délai fixé pour le rappel par un vaccin à ARNM, soit 12 semaines ! » Également spécialist­e des maladies tropicales, le médecin conclut avec ces mots d’humeur : « Il s’agit là de problèmes de riches qui peuvent se permettre de choisir leur vaccin, quand des pays plus pauvres n’y ont que très peu accès ! »

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(DR) Pour le Pr Marty, « le rappel concernant Astrazenec­a ne constitue pas une urgence, sachant que  % des personnes sont immunisées après une première dose pendant des mois ».

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